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Donald Trump, c’est beaucoup de mots sur très peu d’actions. C’est un flot de tweets qui détourne l’attention. Et une superstructure administrative et parlementaire qui veille au grain, sur une économie qui a le vent en poupe quelles que soient les gesticulations de son président. A l’inquiétude a succédé l’insouciance. La vie des affaires suit son cours. Sauf que si la Bourse américaine va de records en records, si la confiance du monde des affaires demeure intacte, c’est que le seul domaine où il attend une véritable action de la part de Trump est celui de la fiscalité.


Il est bien sûr prématuré de tirer les conséquences du projet qui est en débat au Congrès. Il sera amendé et certaines mesures, parmi les plus emblématiques, pourraient être différées. Son architecture globale n’en reste pas moins riche d’enseignement.


Une baisse spectaculaire de l'impôt des sociétés et des plus riches


La réforme proposée, c’est d’abord une baisse spectaculaire de l’impôt sur les sociétés de 35 à 20%, qui s’ajoute à une baisse générale de la fiscalité sur les personnes,  laquelle concentrera ses effets sur les 1% les plus riches. Quant aux dividendes rapatriés des filiales étrangères détenues à plus de 10%, ils seront exemptés d’impôt. Cela pour éviter l’exil des profits.


Une inflexion qui montre surtout que la concurrence fiscale fait rage et que tous les pays sont confrontés aux mêmes problématiques : attirer le capital plutôt que le taxer, et alléger pour ce faire l’impôt des bases mobiles.


Dans le même temps, un élargissement de la base fiscale


Mais comme tout pays à taux facial élevé, la base fiscale américaine est aussi un gruyère. Et ce qui est moins dit, c’est que dans le même temps les réformateurs US entendent élargir la base :


1/ Ils réduisent la déductibilité des intérêts (à 30% du résultat imposable). On est bel et bien en train d’assister aujourd’hui à la fin de cette anomalie qui privilégie le financement par la dette au détriment du financement par fonds propres.


2/ Les 2600 milliards de dollars de profits non rapatriés par le passé pourraient être assujettis à une taxe allant de 5 à 12%, voire 14% pour le congrès, selon de degré de liquidité.


Il y a une grosse exception à l'élargissement de la base, cependant : la possibilité de déclarer en dépenses toutes les dépenses d’investissement pour les 5 ans à venir, et non le seul amortissement fiscal.


Taxation des importations à l'intérieur des multinationales


Reste le projet d’Excise tax, le plus commenté. Il consiste à soumettre à un impôt de 20% les intrants venant de filiales étrangères au sein d’un même groupe. De quoi décourager la fabrication dans des pays à faible coût et la réimportation, et encourager le recentrage des chaines de valeur sur le territoire.


Pour certains, cela marque un retour du protectionnisme. Ce qui n’est pas tout à fait vrai. Pris globalement, le projet n’institue pas de vraie barrière à l’entrée sur les marchandises importées. La Border Adjustement tax (taxe sur toutes les importations) a bien été abandonnée. En dehors des achats intra-groupe, s’approvisionner à l’étranger ne reviendra pas plus cher qu'avant. La mesure crée certes une distorsion de concurrence en défaveur des groupes étrangers implantés aux Etats-Unis, et dont le contenu des produits est par nature intense en intrants du groupe. Mais il n’est pas exclu que cela soit contournable, via quelques sociétés écrans.


S’il faut parler de protection, c’est d’abord une protection contre la délocalisation du capital. Tout est fait pour localiser l'appareil de production sur le territoire, entraver la dilatation des chaines de valeur à l’étranger, favoriser le retour des profits exilés, et inciter à investir rapidement aux Etats-Unis.

 
Ce n'est pas le retour du protectionnisme, c'est juste une baisse des impôts


L’expérimentation américaine est intéressante pour cela. Mais pas sûr que son impact soit saisissant sur l’économie réelle. Ceux qui croient à une manne de 2600 milliards de profits expatriés qui reviendraient irriguer le tissu productif risquent d’en être pour leurs frais. Cet argent est déjà recyclé dans l’économie américaine via les marchés financiers.


Ceux qui pensent que les entreprises rapatrieront leurs process pourraient bien être rattrapés par le mouvement inverse, d’entreprises qui préfèreront exporter depuis l’étranger plutôt que d’être confrontées au renchérissement du prix des intrants. Enfin, ceux qui pensent à un rebond miraculeux de l’investissement risquent fort d’être déçus par l’absence du moindre soutien à la demande dans la politique fiscale de Trump. 


In fine, ne restera de ce big bang fiscal qu’une simple décrue de l’impôt et la difficulté toujours plus grande des Etats à financer leurs programmes.

 

Olivier Passet, Le véritable impact du big bang fiscal de Trump, une vidéo Xerfi Canal Economie.


Publié le lundi 13 novembre 2017 . 4 min. 48

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