La future loi travail est-elle cette révolution copernicienne qui va changer la donne sur le marché du travail français ? S’il faut retenir une chose décisive dans cette loi, c’est la possibilité offerte aux petites entreprises de nouer des accords simplement. La possibilité qui leur est offerte de procéder par vote majoritaire, à l’initiative de l’employeur, avec ou sans représentation syndicale ou représentant mandaté, ouvre de grandes potentialités d’aménagement du droit sur mesure.
Le volet PME est celui qui présente la plus grande portée systémique
Il ne s’agit pas de négliger les autres aspects significatifs du texte, concernant les indemnités prudhommales, le droit au télétravail, la réduction au territoire national de l’examen de la cause réelle et sérieuse d’un plan social, ou encore la fusion des instances du personnel. Mais ces dernières n’ont pas la même portée systémique. L’élargissement du dialogue social entre en résonnance avec d’autres lois votées précédemment, dont la loi El Khomri, et en démultiplie l’impact potentiel, notamment concernant l’aménagement du temps de travail et la rémunération des heures sup.
Alors, certes, le compte n’y est pas pour certains concernant l’inversion de la hiérarchie des normes. La possibilité de verrouiller des accords au niveau des branches, et la sanctuarisation à ce niveau de négociation de certains thèmes comme les minima salariaux ou les paramètres des CDD, fait que toutes les possibilités d’aménagement de la loi ne sont pas ouvertes au niveau de l’entreprise. Mais c’est précisément ce compromis qui a permis d’avancer sur d’autres sujets.
Quels effets sur le chômage ? Il devrait baisser !
Partant de ce constat, il est très difficile d’anticiper ce que sera l’impact réel de la loi. D’abord parce qu’on ne sait pas à ce stade comment les entreprises et notamment les PME vont s’emparer du texte, ni comment la jurisprudence va border le processus. L’accès à l’expertise juridique est inégal et peut décourager les plus petites structures d'entrer dans un processus risqué. Et puis il y a les délais d’apprentissage entre la modification des textes et celle des pratiques.
Et pourtant, on peut parier que si c'est le taux de chômage que l'on scrute, ce dernier va baisser. En effet, la nouvelle loi n’est qu’un élément supplémentaire dans un processus incrémental de réforme qui, petit à petit, introduit plus de flexibilité : la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail (qui introduit notamment la rupture conventionnelle), la loi de sécurisation de l’emploi de 2013, la loi El Khomri de 2016… pour ne prendre que les jalons les plus emblématiques.
…mais pas forcément grâce à la Loi Travail
Qui plus est, contrairement au credo commun, la dernière réforme n’intervient pas sur une job machine française totalement grippée. L’économie française a créé près de 300.000 emplois sur un an entre la mi-2016 et la mi-2017, sur fond de croissance qui a repris quelques couleurs, mais qui demeure très en deçà des rythmes qui ont soutenu de telles créations d’emplois par le passé. Il a en effet fallu dix ans pour en créer 900.000 ! La décrue du chômage depuis le pic de 10,2% en France métropolitaine mi-2005 - dans un contexte sans équivalent de crise - signale que le taux de chômage structurel français n’est pas à deux chiffres.
Avec ou sans réforme, il peut par conséquent, avec le raffermissement de la croissance européenne, se rapprocher des zones qu’il avait atteintes au début de 2008 (autour de 7%), sans que cela soit imputable à la réforme en cours. Tout au plus peut-on dire que le puzzle des réformes depuis 15 ans a bel et bien accru le contenu en emplois de la croissance.
Pour juger de l’efficacité de la réforme c’est sans doute davantage le taux d’emploi qu’il faudra scruter, et la part des CDI dans l’emploi créé.
Olivier Passet, Loi travail : quel impact réel sur l'emploi et le chômage ?, une vidéo Xerfi Canal.
Publié le lundi 04 septembre 2017 . 4 min. 22
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