Sur le papier les principes qui guident la réforme de la fonction publique sont simples. Le mammouth de la fonction publique doit évoluer et gagner en agilité et en légèreté, pour tirer profit des technologies du numérique. Le faire sans dysfonctionnement, c’est faciliter les mobilités internes ; c’est favoriser l’embauche hors statut sur des missions spécifiques ; c’est encourager les plans de départ volontaire et c’est améliorer la formation des agents pour les acculturer à l’outil numérique. La réforme proposée par le gouvernement semble frappée du sceau du bon sens. Tout cela pour parvenir à une diminution du nombre de postes de 120 000 d'ici à 2022, sur 5,5 millions d'agents des fonctions d’Etat, hospitalière et territoriale. Soit 2,2%. Un objectif qui n’a rien d’exorbitant.
Comme toujours, les grands mots sont au rendez-vous. Darmanin parle de : « «nouveau contrat social pour les agents» et comme toujours aussi, les syndicats sont vent debout contre la privatisation déguisée de l’État.
Un cadre législatif suffisant pour réformer
Or le problème, ici, n’est pas tant le contenu de la réforme, que l’usage de la réforme. Cette manie très française qui consiste à accoler une réforme à chaque problème sans jamais se transformer véritablement. Le score du nombre des réformes est brandi comme un trophée, comme si la transformation se mesurait au nombre de caractères modifiés dans les textes de loi.
La question devrait être ici : peut-on moderniser l’État dans le cadre législatif actuel ? Peut-on ajuster à la marge et graduellement le nombre de fonctionnaires ? Ce qui est bien l’objectif actuel. La réponse est oui. Il y a chaque année de l’ordre de 41 700 départs à la retraite du côté de la fonction publique d’État, plus de 36 400 côté territoriale, et près de 23 000 du côté de la fonction hospitalière. Soit près de 2% des effectifs chaque année. Ces sorties naturelles offrent l’opportunité de moduler en douceur le volume de l’emploi. Le cadre actuel offre-t-il des solutions de mobilité ? Oui et elles sont multiples : mutation à la demande du fonctionnaire, mise à disposition, détachement, position hors cadre, position normale d’activité…. Il existe déjà un arsenal de solutions diverses. Les fonctionnaires disposent-ils d’outils de formation et de reconversion. Oui là encore. Il existe une batterie de solutions : entretiens, concours internes, comptes personnels, congés de formation, etc. Peut-elle enfin s’octroyer des compétences hors statut, sur des fonctions spécifiques ? Oui grâce aux contractuels et l’Etat ne s’en prive pas puisqu’ils représentent 18 % des effectifs de la fonction publique.
Éviter les vagues
Là est le vrai problème. La loi devient un palliatif qui dissimule notre incapacité à gérer, à manager les hommes. Faire entrer pleinement l’État dans la transformation digitale, ce n’est pas un slogan qui se décrète d’en haut. Transformer l’État, c’est d’abord penser l’État à tous les niveaux. C’est repenser le design de son organisation. C’est fixer de nouvelles modalité d’accès aux services. C’est définir le contour des métiers, des missions etc. C’est renforcer les moyens dans la gestion des ressources humaines. C’est un exercice qui combine de la planification et du management humain. Et c’est d’abord un enjeu qui s’adresse aux cadres dirigeants de l’État. Des cadres dirigeants qui sont à mille milles de la culture de projet et de la prise de risque. Des hauts fonctionnaires nomades, zappant de postes en postes, et tout pousse aujourd’hui à éviter les vagues plutôt que d’impulser le changement. C’est là que le que bât blesse. La loi devient l’instrument qui met implicitement en accusation le système, reporte la faute sur le fonctionnaire de base et permet d’éviter à la haute fonction publique d’aborder la question de ses responsabilités et de la réforme de ses pratiques.
Manager l’État avant même de le réformer. Ce devrait être la priorité. Au lieu de cela, en ouvrant notamment la possibilité de recrutement discrétionnaire, le gouvernement crée un stress inutile sur le dévoiement des grands principes qui fondent l’indépendance, l’impartialité, la continuité, l’universalité des services publics, qui nous détourne du véritable enjeu.
Publié le mardi 2 avril 2019 . 4 min. 50
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