La France vit-elle son « moment randien » ?
C’est le sujet de mon billet libéral.
En 1957, la philosophe objectiviste Ayn Rand signe un best-seller dystopique, La grève. L'Américaine y décrit une société où les entrepreneurs les plus créatifs et les plus productifs décident de se retirer de la vie publique, pour contester un collectivisme larvée contraire à la rationalité capitaliste.
Ingénieur brillant lassé de la montée de l'interventionnisme étatique, John Galt organise une grève des esprits inventifs…
jusqu'à provoquer l'effondrement du pays. Dans la Silicon Valley, nombre de milliardaires libertariens se vivent aujourd’hui encore en héritiers de John Galt.
Alors, vivons-nous la prophétie d'Ayn Rand ?
Je fais bien sûr référence à la récente levée de boucliers de grands patrons. De Bernard Arnault (LVMH) à Ben Smith (Air France), de Florent Menegaux (Michelin) à Luc Rémont (EDF), de Xavier Niel (Free) à Guillaume Faury (Airbus), ces PDG et d’autres encore ont dénoncé l'excès de normes, la contribution exceptionnelle sur les bénéfices ou le décrochage de compétitivité du pays.
Pas de menace de lock-out dans leur discours, mais une exaspération mâtinée de rébellion. Elle est inédite…
Inédite, pour trois raisons.
D'abord, à cause du statut des contestataires : grands patrons, entrepreneurs milliardaires, dirigeants du CAC40, de groupes publics. Habitués à la discrétion, ils préfèrent d'habitude le lobbying discret de l'Afep.
Inédit ensuite par la diversité des messagers qui, tous, portent le même message. Homme le plus riche de France, Bernard Arnault provoque bien sûr le fracas par ses propos sur le poids des impôts. Mais à la tête d'une EDF 100 % public, Luc Rémont ne prend pas plus de gants non plus: « C'est l'enfer d'investir en France ». Ni Florent Menegaux, patron social, sur le « cauchemar administratif » ou Ben Smith sur la taxation « irresponsable » des billets d'avion...
Inédit, enfin, au vu de la convergence des luttes. Pas de coups de gueule isolés, mais une succession de mises en garde.
Non coordonnées, mais alignées.
Pourquoi maintenant?, c'est interrogé Eric Lombard. Surpris par la fronde, le ministre de l'Economie pensait pouvoir piloter sans encombre une nouvelle hausse de la fiscalité des entreprises au prétexte, comme il l'a déclaré, qu'« on n’est pas un pays libéral, on est un pays de protection ». Un discours éculé dans un monde bouleversé.
Car les codes ont changé. Il y a le blocage politique, pour cause de dissolution ratée. Avec comme issue l'immobilisme ou la démagogie. Il y a encore le cri d'alarme du démocrate chrétien Mario Draghi pour qui l'Europe fait face à un « défi existentiel », sauf à enrayer son décrochage vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine. Et puis il y a le facteur T, T comme Trump.
Alors, ce moment randien ? Spécialiste de la théoricienne de l’égoïsme rationel, l’économiste Cécile Philippe précise, je la cite: “Oui, nous avons assisté à quelque chose qui ressemble à une révolte des entrepreneurs, mais attention: Ayn Rand n’aurait jamais soutenu qu’ils soient subventionnés. Ils ne font pas la grève: taxes, normes et manque de capital les mettent de facto en grève en les poussant à la faillite.”
John Galt disait: “Nous sommes en grève contre un code moral qui a fait de nous des victimes. Nous sommes en grève contre la morale des cannibales, qu'elle s'applique au corps ou à l'esprit.”
Un discours visionnaire…
Publié le lundi 31 mars 2025 . 4 min. 21
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