La pensée philosophique ancestrale chinoise offre un levier de réflexion sur le management fort intéressant, en privilégiant la synthèse à l'analyse, la pratique aux concepts. Dans le prolongement de cette philosophie et comme quintessence apparaît le Jeu de Go comme jeu stratégique subtil de contrôle de l’espace par la négociation.
Né en Chine il y a plus de 4000 ans, ce jeu ancestral nous dévoile une philosophie managériale d'une étonnante pertinence pour notre siècle.
Imaginez un instant un simple plateau quadrillé, le goban, sur lequel deux joueurs placent alternativement des pierres noires et blanches. Cette apparente simplicité cache en réalité une grande profondeur stratégique qui résonne particulièrement avec les défis du management contemporain. Là où la pensée occidentale privilégie souvent l'analyse cartésienne, la philosophie ancestrale chinoise nous invite à embrasser une approche plus synthétique, ancrée dans la pratique plutôt que dans l'abstraction conceptuelle.
Le premier principe que nous pouvons en tirer est la primauté du global sur le local, du long terme sur le court terme. Dans un monde obsédé par les résultats trimestriels, le Go nous enseigne qu'une stratégie véritablement efficace doit transcender l'immédiateté. Il nous invite à développer cette "souplesse stratégique" si cruciale, d’énergie Yin, cette capacité à maintenir une vision d'ensemble tout en s'adaptant aux contingences tactiques. Le manager doit ainsi cultiver cette double vision : garder le cap sur ses objectifs lointains tout en naviguant habilement dans les eaux tumultueuses du présent et en s’adaptant aux obstacles. « Be Water, my friend » répétait à l’envi Bruce Lee.
Le deuxième principe bouleverse notre conception traditionnelle de la compétition : la coexistence prime sur l'élimination. Dans un monde économique souvent décrit comme hypercompétitif, le jeu stratégique chinois propose une autre approche. Il nous enseigne que la recherche d'une coexistence active, d'une logique gagnant-gagnant, s'avère souvent plus fructueuse qu'un affrontement frontal. Les conflits ne sont pas niés, mais transformés en opportunités de négociation et de création de valeur partagée.
Le troisième principe nous révèle que le vide est source d'action et de créativité. Sur le goban comme dans l'entreprise ou sur un marché, la vraie dynamique naît de l'exploitation des espaces inoccupés. Cette vision nous invite à explorer les territoires vierges, à encourager l'autonomie et la prise d'initiative. C'est dans ces espaces apparemment vides que se cachent souvent les opportunités les plus prometteuses.
Enfin, le quatrième principe nous parle d'équilibre dans le mouvement. Le Go nous enseigne que le dynamisme d'une organisation ne peut se maintenir que si nous savons anticiper et maîtriser les interactions entre ses différentes composantes. Il s'agit de maintenir une forme d'homéostasie stratégique, où l'entreprise conserve son équilibre tout en restant en mouvement constant.
Cette sagesse millénaire éclaire remarquablement les enjeux du management moderne. Elle nous rappelle que diriger une organisation, une entreprise, une équipe, n'est pas qu'une science analytique, mais aussi un art subtil de l'équilibre et du mouvement. Dans un environnement économique de plus en plus complexe et interconnecté, ces principes ancestraux nous offrent des clés précieuses pour naviguer dans l'incertitude. Elle nous invite à développer une vision plus systémique où la compétition cède le pas à la coopétition, où l'innovation naît des espaces inexplorés, et où la flexibilité stratégique devient la clé de la pérennité. Dans ce dialogue fécond entre sagesse extrême-orientale et management occidental se dessine peut-être l'avenir de nos pratiques managériales.
Publié le mardi 14 janvier 2025 . 5 min. 22
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