« Les lois prennent leur autorité de la possession et de l’usage », constate Montaigne au chapitre XII de ses Essais. La célèbre loi de Pareto, devenue principe universel par la force de son application, est une belle illustration de cette citation. La loi des 80/20 a acquis depuis 130 ans une autorité indéniable.
En étudiant la répartition des revenus en Angleterre, en Prusse, dans le grand-duché de Oldenbourg puis celle des richesses en Italie à la fin du XIXe siècle, l’économiste italien Vilfredo Pareto conclut à l’existence « d’une loi naturelle, qui nous révèle une tendance des revenus à se grouper d’une certaine façon, au moins dans les sociétés et pour les époques considérées » : 20% de la population détiennent 80% des richesses. Au-delà du constat ponctuel, Pareto découvrit en 1895 une régularité statistique qui devait transcender son objet d’étude initial.
Mais c’est à Joseph Juran, ingénieur d’origine roumaine et professeur à l’Université de New York, expert en qualité, que l’on doit la popularisation de cette observation en 1954 sous le nom de « Principe de Pareto ». En l’associant à la désormais célèbre règle des 80/20, Juran fit le constat que ce principe était universel – applicable à plein de situations.
La diffusion de la loi de Pareto dans le monde de la gestion a depuis fait de nombreux petits. En GRH, c’est l’idée selon laquelle 20% des collaborateurs réalisent 80% du travail. En gestion commerciale, le principe selon lequel 20% des clients génèrent 80% du chiffre d'affaires. En qualité, 20% des causes produisent 80% des défauts. La finance, le marketing, la logistique – aucun domaine de gestion n’échappe au principe des 80/20.
Regardons-y de plus près. La force de cette loi réside dans le fait qu’elle offre une grille de lecture qui permet de distinguer les éléments décisifs de causalité. Elle bouscule l’idée selon laquelle tout effet majeur provient nécessairement d’un ensemble majoritaire de causes. Pour les managers, elle est devenue un outil de priorisation et d’allocation efficiente des ressources, permettant de concentrer les efforts là où ils produiront le maximum d’impact.
Pourtant, le Principe de Pareto, malgré sa popularité, souffre de quelques limites. D’abord, sa généralisation excessive l’a souvent transformé en convention sociale plus qu’en vérité scientifique. Le rapport 80/20 est souvent invoqué sans vérification empirique, devenant un raccourci cognitif plutôt qu’un résultat d’analyse rigoureuse. Par ailleurs, l’émergence du e-commerce dans les années 2000 a fait apparaître le principe de la « longue traîne » qui est venu nuancer l’approche traditionnelle de la distribution : il est désormais rentable de s’intéresser à ces 80% de références qui, collectivement, représentent un potentiel significatif.
Enfin, cette vision occidentale peut se heurter à d’autres traditions culturelles. En Chine, comme le souligne le sinologue Cyrille Javary dans son ouvrage La souplesse du dragon, c'est le rapport 7/3, qui est considéré depuis l’Antiquité comme la proportion la plus représentative du tout, de la totalité, dont le dix est l’emblème. Les restaurants chinois traditionnels proposent dix plats : 3 hors-d'œuvre froids et 7 plats chauds. Deng Xiaoping lui-même utilisa ce ratio pour évaluer l’héritage de Mao : « 70% de bien » et « 30% de mal ». Aujourd’hui encore, la majorité des fournisseurs chinois ont pour conditions de paiement un acompte de 30 % au début de la production et un solde de 70 % avant que l’expédition ne quitte la Chine.
Ainsi, la confrontation de ces différentes approches nous rappelle-t-elle que nos canevas, nos outils d’analyse, même ceux à dessein universel, sont ancrés dans des contextes culturels spécifiques.
En étudiant la répartition des revenus en Angleterre, en Prusse, dans le grand-duché de Oldenbourg puis celle des richesses en Italie à la fin du XIXe siècle, l’économiste italien Vilfredo Pareto conclut à l’existence « d’une loi naturelle, qui nous révèle une tendance des revenus à se grouper d’une certaine façon, au moins dans les sociétés et pour les époques considérées » : 20% de la population détiennent 80% des richesses. Au-delà du constat ponctuel, Pareto découvrit en 1895 une régularité statistique qui devait transcender son objet d’étude initial.
Mais c’est à Joseph Juran, ingénieur d’origine roumaine et professeur à l’Université de New York, expert en qualité, que l’on doit la popularisation de cette observation en 1954 sous le nom de « Principe de Pareto ». En l’associant à la désormais célèbre règle des 80/20, Juran fit le constat que ce principe était universel – applicable à plein de situations.
La diffusion de la loi de Pareto dans le monde de la gestion a depuis fait de nombreux petits. En GRH, c’est l’idée selon laquelle 20% des collaborateurs réalisent 80% du travail. En gestion commerciale, le principe selon lequel 20% des clients génèrent 80% du chiffre d'affaires. En qualité, 20% des causes produisent 80% des défauts. La finance, le marketing, la logistique – aucun domaine de gestion n’échappe au principe des 80/20.
Regardons-y de plus près. La force de cette loi réside dans le fait qu’elle offre une grille de lecture qui permet de distinguer les éléments décisifs de causalité. Elle bouscule l’idée selon laquelle tout effet majeur provient nécessairement d’un ensemble majoritaire de causes. Pour les managers, elle est devenue un outil de priorisation et d’allocation efficiente des ressources, permettant de concentrer les efforts là où ils produiront le maximum d’impact.
Pourtant, le Principe de Pareto, malgré sa popularité, souffre de quelques limites. D’abord, sa généralisation excessive l’a souvent transformé en convention sociale plus qu’en vérité scientifique. Le rapport 80/20 est souvent invoqué sans vérification empirique, devenant un raccourci cognitif plutôt qu’un résultat d’analyse rigoureuse. Par ailleurs, l’émergence du e-commerce dans les années 2000 a fait apparaître le principe de la « longue traîne » qui est venu nuancer l’approche traditionnelle de la distribution : il est désormais rentable de s’intéresser à ces 80% de références qui, collectivement, représentent un potentiel significatif.
Enfin, cette vision occidentale peut se heurter à d’autres traditions culturelles. En Chine, comme le souligne le sinologue Cyrille Javary dans son ouvrage La souplesse du dragon, c'est le rapport 7/3, qui est considéré depuis l’Antiquité comme la proportion la plus représentative du tout, de la totalité, dont le dix est l’emblème. Les restaurants chinois traditionnels proposent dix plats : 3 hors-d'œuvre froids et 7 plats chauds. Deng Xiaoping lui-même utilisa ce ratio pour évaluer l’héritage de Mao : « 70% de bien » et « 30% de mal ». Aujourd’hui encore, la majorité des fournisseurs chinois ont pour conditions de paiement un acompte de 30 % au début de la production et un solde de 70 % avant que l’expédition ne quitte la Chine.
Ainsi, la confrontation de ces différentes approches nous rappelle-t-elle que nos canevas, nos outils d’analyse, même ceux à dessein universel, sont ancrés dans des contextes culturels spécifiques.
Publié le vendredi 18 avril 2025 . 4 min. 53
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