L’expérience est le mot d’ordre de bataillons entiers de marketers, qui la confondent d’ailleurs souvent avec le service. A les entendre ; les individus ne consommeraient plus des produits ou des lieux, mais des expériences. Bigre ! Mais que recouvre exactement l’économie de l’expérience ? Est-ce que manger une glace dans un lieu thématisé suffit à parler d’expérience. La réponse est clairement : NON. L’économie de l’expérience part du principe que les produits se ressemblent de plus en plus. Par conséquent il devient plus difficile de créer de la valeur économique en amont de la chaîne. Contrairement à une économie du produit ou du service dans lesquelles on considère que la valeur est une sorte de substance littéralement fabriquée en amont puis délivrées aux clients à travers un canal de distribution, l’idée majeure qui sous-tend l’économie de l’expérience est que la valeur advient d’un processus de co-création avec le client. C’est dans la relation que se construit la valeur et non dans le bien lui-même. D’où l’importance des marques. Car, rappelons-le, une marque est essentiellement une relation entre une organisation et ses différents publics. L’économie de l’expérience nous expose donc à une question sur la valeur des biens marchands. Se situe-t-elle dans le bien lui-même, dans le regard que nous portons sur lui, ou bien dans la relation créée avec des individus susceptibles de l’acheter et de le consommer ? L’économie de l’expérience percute une croyance profondément ancrée dans notre imaginaire culturel. Elle nous oblige à reconsidérer la valeur des biens pour admettre qu’elle n’est pas substantielle. Ce n’est pas une propriété intrinsèque qu’il nous incomberait de débusquer. La valeur n’existe pas à part entière, indépendamment du regard que l’on porte sur elle. Il faut donc passer d’une lecture substantielle à une lecture relationnelle de la valeur. Ce basculement culturel est d’ailleurs emblématique d’un rapprochement entre les sphères de la production et de la consommation, que l’on avait tendance à considérer comme étanches l’une à l’autre. Ce brouillage des frontières signifie qu’on ne s’adresse plus véritablement à un consommateur, mais à un individu qui est acteur de son expérience de consommation et qui se situe à la marge des sphères de la production et de la consommation. Les Américains qui ont le génie pour capter et s’approprier linguistiquement ces réalités marchandes utilisent depuis longtemps déjà le terme de prosumer pour désigner celui qui est à la fois producer et consumer. Aussi vivrions-nous dans une société de prosumation dont la pratique caractéristique est la customisation. L’économie de l’expérience est, on l’a bien compris, une façon de mettre le consommateur au travail et ou plus exactement de transformer la consommation en travail. Et le travail nous rappelle le philosophe Michel Foucault concerne « ce qui est susceptible d’introduire une différence significative, au prix d’une certain peine, et avec l’éventuelle récompense d’un certain plaisir ».
Publié le mardi 25 janvier 2022 . 3 min. 23
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