Le vert est devenu le code graphique dominant de la rhétorique environnementale, si bien que l’on peut allègrement confondre la verdisation des logos et des packagings et le greenwashing. Comme si par une sorte de symbolisme on ne peut plus naïf, le vert signifiait automatiquement qu’un produit est en phase avec les contraintes environnementales et qu’il fait du bien à la planète. Mais à bien y réfléchir, cela n’a guère plus de sens que de planter des arbres pour se donner bonne conscience de consommer encore et encore. Même si la signification des couleurs varie selon les cultures, accordons-nous sur le fait que les couleurs ont une signification narrative, elles racontent quelque chose et sont liées à des bénéfices.
La jaune est une couleur chaleureuse ; elle est signe d’énergie, d’optimisme et traduit bien souvent un bénéfice pour le client ; c’est pourquoi elle est très utilisée par les discounters. Le rouge est plutôt une couleur liée à la disruption et montre une volonté de remettre en question les codes et les conventions ; le bleu est une couleur très utilisée par les institutions car elle inspire la confiance et symbolise la compétence. Les couleurs ont une fonction narrative. Mais cela ne signifie par qu’elles puissent être associées à un un thème ou un secteur d’activités. Associer un lien symbolique entre la couleur verte et la durabilité est tout de même un peu simpliste. Si on devait attribuer une signification narrative au vert, ce serait plutôt a priori le contrat, l’engagement. Mais n’oublions pas que le vert est une couleur ambivalente et sa signification s’est inversée au cours de l’histoire, comme le rappelle l’historien des couleurs Michel Pastoureau dans le livre qu’il lui a consacré. Couleur ambiguë, le vert est symbole de vie, de chance et d'espérance mais il aussi associé au poison, au malheur, au diable et à ses créatures de l'autre. Néron soutenait l'équipe verte dans les courses de chars, faisait collection d'émeraudes et avait une passion pour les poireaux. Quant à Napoléon, son goût pour le vert lui a coûté cher comme le rappelle Michel Pastoureau : « En arrivant à Sainte-Hélène, il a fait retapisser la maison. Or, à cette époque, on ajoutait de l'arsenic dans le colorant. C'est cela qui l'aurait tué. L’occident accorde en fait une signification aux couleurs depuis le Moyen-Age.
Le cardinal Lothaire, futur Innocent III, la formalise dans son traité sur la messe. Il innove en introduisant le vert dans les églises comme couleur d'espérance. Le vert devient alors la couleur de la jeunesse, de l'amour naissant, de la beauté, de la fraîcheur. Et d’ailleurs les poètes usent de ses consonnances avec le « vrai » ou le « rêve ». Mais la signification du vert s’inverse à partir du XIVème siècle et il devient la couleur du diable. Comme le dit encore Pastoureau, « le vert lumineux des vergers courtois, vif, sain, devient verdâtre, maladif, comme la moisissure. » Les réformateurs protestants associent d’ailleurs une connotation morale aux couleurs, distinguant les couleurs honnêtes et malhonnêtes. Le vert est alors décrété indécent. Comme il est chimiquement instable, le vert a été apparenté à tout ce qui était changeant : l'amour, la chance, le jeu, le hasard, l'argent. Est-ce vraiment la couleur à choisir quand on veut nous parler d’avenir et d’environnement ?
Publié le lundi 27 février 2023 . 3 min. 39
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de Benoît Heilbrunn
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