Vidéo réalisée pour l’ouvrage « Stratégie » publié par les éditions Vuibert.
Les entreprises se lamentent souvent « qu’il est long le chemin entre une décision stratégique et sa mise en œuvre ». Et c’est davantage vrai quand il s’agit d’un chemin de croix parsemé de stations empreintes de diverses douleurs. On aimerait tellement voir une décision stratégique, que l’on juge évidemment excellente, mise en œuvre par un coup de baguette magique administré par un Harry Potter du management. Ce n’est bien fréquemment pas le cas.
Les décisions stratégiques, même quand elles sont longuement muries, peuvent buter dans la phase de mise en œuvre sur de nombreuses difficultés :
• Hé oui, les contextes évoluent, les personnes et les équipes disparaissent, apparaissent, se reconstituent, les financements attendus tardent, les potentiels partenaires s’évaporent. bref, la liste est longue.
• Et puis les crises sanitaire et financière, les bouleversements politiques sont les lots des évolutions de l’environnement qui ruinent toute mise en œuvre patiemment imaginée.
• Citons aussi les baronnies soucieuses de leurs prérogatives, les réserves émanant des opérationnels qui se jugent insuffisamment armés pour mener le combat : Et voilà des contraintes internes cette fois-ci auxquelles on n’avait pas suffisamment prêté attention !
Naturellement, les cas de mise en œuvre stratégique sans anicroche existent :
• Telle entreprise dans le transport aérien grand public décide d’étendre son marché vers une clientèle d’affaire. C’est une diversification de marché. Et à ce moment là, les équipes internes sont enthousiastes et il est aisé d’embaucher des nouveaux pilotes.
• Les flux d’affaires internationaux sont portés par une grande vague de libéralisme et alors la mise en œuvre de la décision stratégique s’opère plus rapidement qu’espéré.
Dans le cas contraire que faire ? Une seule solution : mener sans complaisance un réel diagnostic — non pas de l’environnement et des forces de l’entreprise comme au début du processus —, mais un diagnostic de la décision stratégique elle-même. Pour ce faire on recourt à 3 filtres, 3 tamis en espérant voir la décision prise antérieurement traverser les 3 épreuves. Ces 3 angles d’analyse sont :
• l’acceptabilité,
• la faisabilité
• et la conformité (ou encore la pertinence)
En anglais on parle d’acceptability, de feasability, de suitabilility. Si on prévoit que la décision stratégique franchira aisément ces 3 barrières alors, et alors seulement, on ouvre la phase de mise en œuvre. Si les 3 aspects, voire si un ou deux de ces aspects laisse entendre des sons discordants, voire une parfaite cacophonie, il est urgent soit de surseoir en acceptant le caractère erroné de la décision, soit en imaginant des actions susceptibles de résorber les effets négatifs.
Voyons maintenant les 3 filtres. Ils appellent un diagnostic dont l’ampleur et les conséquences vont varier en raison du poids de la décision stratégique. Une plateforme diffuseur de séries télévisées entreprendra un diagnostic léger s’il s’agit de s’orienter vers une nouvelle clientèle, et un diagnostic autrement plus lourd si la décision stratégique conduit à produire des séries au-delà de leur simple diffusion.
L’acceptabilité a trait aux diverses parties prenantes à l’intérieur comme à l’extérieur La décision stratégique relève du top management, parfois appuyé par quelques consultants. Mais la mise en œuvre concerne le management en général, y compris les niveaux opérationnels, et aussi les partenaires, les fournisseurs, les financeurs… En un mot, tout l’écosystème de l’entreprise. La qualité d’un chef d’orchestre se mesure à son expertise, mais aussi à l’adhésion des violons, des percussions, de tous les instruments à vent et aussi des harpistes quand il y en a. Le chef d’entreprise affronte le même défi : sa décision doit emporter l’adhésion de tous et doit être ressentie comme juste, comme alignée avec la mission par tous. Si les parties prenantes émettent des réserves sur le bien-fondé des choix, les rivages de la mise en œuvre vont s’éloigner ou, tout au moins, l’accostage sera problématique.
La faisabilité concerne à la fois les ressources et les contraintes de temps. La mise en œuvre d’une stratégie implique la mobilisation des personnes et de leurs compétences ainsi que l’engagement des financeurs. Si les acteurs ne sont pas au rendez-vous parce qu’ils ne disposent pas des ressources qu’on leur prêtait ou si les environnements se révèlent moins porteurs qu’attendu, alors l’échec est proche. Le temps vient compliquer encore le processus. Les éléments sur lesquels on comptait ne seront présents que dans un délai plus ou moins long. Et là encore, la mise en œuvre, retardée, risque de se heurter à des évolutions de contextes plus lourdes.
La conformité, la pertinence, la suitabilility en anglais tient à l’alignement avec les phases antérieures de diagnostic. Il peut s’écouler un temps assez long entre le diagnostic, préalable, et la décision. La conformité consiste à jeter un regard (rétrospectif) sur l’ensemble du processus pour voir si les critères retenus pour choisir telle ou telle stratégie sont bien demeurés stables. Ainsi, les forces de l’entreprise qui se révélaient sont-elles encore présentes ? Les opportunités de l’environnement se maintiennent-elles ? Si tel est le cas l’étape de la conformité est franchie victorieusement.
Dès lors que les 3 filtres sont ‘‘au vert’’ la mise en œuvre peut être entamée. Elle sera précédée d’un moment important de socialisation, de communication auprès de toutes les parties prenantes pour que l’équation « ambition, risque, valeurs attendues » fasse supposer l’atteinte d’une performance collective doublée de réussites individuelles. Plus rien ne s’oppose alors à la mise en œuvre de la décision stratégique.
Publié le mercredi 17 janvier 2024 . 7 min. 17
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