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On parle beaucoup aujourd’hui de la raison d’être des entreprises notamment avec la fameuse loi PACTE et l’urgence de mettre en place « un capitalisme à visage humain » selon les termes de Jean-Dominique Sénard, le PDG de Michelin.

Questionner la finalité des entreprises n’est pas en soi quelque chose de nouveau, sauf lorsque cette remise en cause vient de l’intérieur de quelques grandes multinationales. Cela prend tout de suite une autre tournure quand ce sont des dirigeants qui expriment publiquement leurs doutes relatifs aux effets providentiels de la fameuse main invisible si chère à Adam Smith.

A l’instar d’Emmanuel Faber, le PDG de Danone, ils n’hésitent plus à considérer l’intérêt général comme un objectif stratégique et le culte du profit-roi comme une valeur contestable.

L’image et la réputation de leur entreprise s’engagent alors vers d’autres valeurs que celles habituellement prisées par les investisseurs et analystes. Par exemple, Antoine Frérot de Véolia répète à qui veut l’entendre que « la première valeur d’une entreprise c’est d’être utile ».

Le phénomène pourrait prendre de l’ampleur, car des communautés d’entreprises ont décidées de ne pas attendre les réformes du code civil comme la Loi Pacte en France qu’elles jugent trop timides pour s’engager au-delà des simples déclarations. 

La plus importante d’entre elles est sans doute la « Benefit Corporation » ou B. Corp. Née au Etats-Unis en 2006, cette communauté regroupe de plus en plus d’entreprises engagées non pas à être les meilleures du monde mais les meilleures pour le monde.

Concrètement elles ont modifié leur objet social et s’imposent de satisfaire juridiquement aux normes les plus élevées en matière de performance sociale et environnementale, à être publiquement transparentes et à consacrer une part significative de leurs profits à des missions d’intérêt général.  

On compte aujourd’hui plus de 2.500 B-Corp, réparties dans 60 pays et issues de 150 secteurs d’activités différents. Parmi elles, on trouve notamment la fameuse entreprise Américaine de vêtements et accessoires techniques Patagonia mais aussi le géant de la cosmétique Brésilien Natura, la filiale US de Danone et l’entreprise française Nature & Découvertes.

Comment interpréter un tel mouvement ? Sous la pression des enjeux sociaux et sociétaux et environnementaux, certains y voient déjà les prémisses d’une métamorphose providentielle de l’économie de marché. D’autres, dénoncent un agrégat d’initiatives aussi magistrales que marginales dont s’accommode sans difficulté le modèle libéral.

Il est en effet difficile de disqualifier l’opportunisme que cela représente pour une entreprise soucieuse de sa pérennité et désireuse de se démarquer de sa concurrence. La mise en œuvre d’une raison d’être à vocation humaniste est susceptible d’améliorer sa visibilité médiatique, d’attirer de nouveaux talents générationnels et même de nouvelles marges de manœuvres financières grâce aux possibilités offertes par l’investissements à vocation socialement et environnementalement responsables.

Cette démarche ne remet pas en cause l’esprit entrepreneurial des dirigeants concernés, bien au contraire. Jean Jaurès écrivait en 1890 dans La Dépêche : « Lorsque les ouvriers accusent les patrons d’être des jouisseurs, ils ne comprennent pas bien l’âme patronale. Ce que veulent les patrons c’est gagner la bataille ».

Ainsi, pour ces dirigeants engagés la raison d’être de la bataille change mais l’esprit de compétition demeure intact.


Publié le vendredi 30 novembre 2018 . 3 min. 37

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