Selon une étude d’Havas Market Probe datant de 2017, plus de la moitié des Français pensent que les entreprises ont désormais un rôle plus important que les gouvernements pour créer un avenir meilleur. Faut-il voir dans ce sondage une exacerbation de la défiance envers le politique et un regain de confiance pour les initiatives privées ?
Il est vrai que l’agilité, la créativité ainsi que les ressources financières et humaines des entreprises, leur confèrent une indéniable crédibilité pour appréhender les défis scientifiques, humanitaires, sociaux et environnementaux qu’elles ont contribuées à faire naître.
En tout cas, il est manifeste que de plus en plus d’entreprises s’investissent dans la vie de la cité. De là à encourager le dirigeant à s’engager politiquement il n’y a qu’un pas. D’autant que, si le droit social français soutient les initiatives visant à instaurer un principe de neutralité politique dans les entreprises rien n’empêche le dirigeant d’exprimer publiquement ses convictions, voire de soutenir tel ou tel candidat.
C’est ce que l’on observe à chaque élection. Quelques intrépides proclament leur soutien à un candidat. Mais est-ce là une démarche pertinente ? La question se pose à plusieurs titres.
D’abord parce que les salariés, les partenaires et les clients de l’entreprise ne partagent pas forcément les opinions politiques du dirigeant. Un engagement public de sa part peut être à l’origine d’un certain malaise.
Ce fût récemment le cas pour Francis Holder, le patron du groupe éponyme détenant notamment Ladurée et les boulangeries Paul lorsqu’il invita ses salariés à voter François Fillon aux dernières élections présidentielles.
Ensuite, parce qu’une prise de position politique est de nature à surexposer médiatiquement le dirigeant. Si une exposition peut parfois se révéler utile aux intérêts de l’entreprise, la surexposition peut vite devenir contreproductive comme l’atteste la carrière tumultueuse de Bernard Tapie.
Enfin, parce qu’un dirigeant doit être en capacité de dialoguer sereinement avec tous les politiques quelle que soit leur étiquette et ce pour une raison simple : la pérennité de l’entreprise est un enjeu majeur qui requiert d’intégrer des objectifs à long terme dans sa stratégie alors que le rythme électoral et le principe des mandats astreint généralement le politique privilégier le court terme.
Lorsqu’on les interroge sur le sujet, la plupart des dirigeants privilégient une posture de neutralité vis-à-vis des politiques. Pourtant ces derniers sont souvent attentifs à la parole de ceux qui ont notamment la capacité d’influencer significativement l’emploi local, dans un sens comme dans l’autre.
Mais dans ce jeu d’influence réciproque, le dirigeant peut-il vraiment prétendre à la neutralité politique ? Pas sûr ! D’abord parce que certains partis extrémistes ne méritent sans doute pas autant d’égards. Mais aussi parce qu’à la lumière des décisions qu’il ou elle prend économiquement et socialement, le dirigeant en dit souvent beaucoup sur ses convictions et ses croyances.
A la question posée dans le titre de cette chronique, voici 3 propositions de réponse :
• Tout d’abord, il est prudent d’éviter à tout prix une surexposition médiatique.
• Ensuite, il est sage de réfréner son désir d’exposer publiquement son éventuel engagement personnel auprès d’un parti politique.
• Enfin, il est tout à fait acceptable de s’engager ouvertement et de tout cœur envers une ou plusieurs causes d’intérêts général à la condition que celles-ci soient autant que possible en concertation avec les salariés, les clients et les partenaires de l’entreprise.
Quant à la relation avec les politiques, il est préférable de la considérer comme nécessaire mais jamais exclusive.
Publié le mercredi 28 novembre 2018 . 3 min. 50
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