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Aux origines de la pop culture

Publié le lundi 8 janvier 2024 . 4 min. 33

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L’immense succès de la saga OSS 117 du cinéaste Michel Hazanavicius n’empêche généralement pas les spectateurs d’effectuer trois erreurs et de faire un oubli. On croit que la série s’inspire de James Bond alors qu’Hubert Bonisseur de la Bath apparaît chez les libraires quatre ans avant le Casino Royale de Ian Fleming. En 1949. On imagine qu’Hubert est français comme dans le film alors qu’à l’origine il s’agit d’un espion américain dont les racines familiales sont louisianaises. On pense enfin que l’auteur des 265 romans de la série, vendus à 75 millions d’exemplaires, est Jean Bruce. Mais en fait son créateur, mort prématurément dans un accident de voiture, sera perpétué d’abord par son épouse Josette puis son beau-fils et sa fille, qui composeront la majorité des volumes. Ce qu’on a oublié c’est que cette série mythique des Editions Fleuve Noir était avant tout le fruit de la rencontre entre la guerre froide et la mutation de l’industrie du livre. Eh oui, Hubert est le petit-fils d’une révolution managériale, stratégique, logistique et industrielle qui s’est produite dans le monde du livre au moment où se développe la culture de masse. Cette révolution managériale comportait plusieurs volets, qui nous sont racontés par Loïc Artiga et Matthieu Letourneux dans leur essai paru à La Découverte Aux Origines de la pop culture. Ces volets sont au nombre de quatre :


-premièrement le lecteur, que l’on peut qualifier de « français mi-moyen » (p. 53), c’est-à-dire le client, est roi. Fleuve noir est en rupture avec le milieu germanopratin de la littérature officielle, trop à gauche et pas assez populaire. Ici le texte est un moyen comme un autre de se divertir. Et parmi les principaux auteurs de la maison, on trouve beaucoup d’autodidactes ayant exercés tous les métiers, je cite tous azimuts, des « représentants en toute sorte [de] saloperies, sirop, apéritif, cirage, moteurs électriques, Cie d’assurance, vin, (…) pêcheur à la sardine, (…) garçon cycliste pour une pharmacie » etc etc…


-deuxièmement, je cite à nouveau : « le rapport aux auteurs épouse la même rationalité que les nouvelles techniques de distribution ou l'exploitation de nouvelles formes de publicité. (…) Ici, il s'agit moins d'identifier un romancier original ou une œuvre inédite que de contrôler avant tout la capacité des auteurs à se couler dans des contraintes » (p. 52). Les plumitifs sont donc des prestataires comme les autres, souvent bien rémunérés, mais sans l’aura des intellectuels ou des artistes. « Etre fiable, productif et d'une qualité égale l'emportent sur l'inventivité » (p. 54). Comme pour les scénaristes dans les séries tv américaines aujourd’hui, si un auteur n’est plus inspiré il laisse la place à un autre qui l’est davantage et la série continue. Pour être recruté, un nouvel auteur doit recevoir la note de 7,5 sur 10 de la part d’un comité éditorial constitué (p. 38) d’« un teinturier, un maçon, une dactylo, un médecin, un expert-comptable et un docteur en droit chargé de dépister les erreurs juridiques ».


-troisièmement, les mots-clés de toute cette affaire sont « standard » et « normes de production ». Nous sommes en plein accomplissement du taylorisme dans les usines et le média livre n’échappe pas à la rationalisation des méthodes de production, pas moins qu’à la standardisation des esprits et des formats qu’elle implique. Le philosophe Paul B. Preciado cité dans le livre remarquera d’ailleurs que le héros est lui-même « un technicien, qui conçoit le plaisir suivant des principes d'efficacité ». Aussi la rotation des titres est rapide : d’ailleurs le style de ces œuvres est lui-même marqué par un rythme élevé, par une « urgence de l’écriture » (p. 64).


-quatrièmement, cette condamnation à la logique industrielle et commerciale est consolidée à tous les étages de la chaîne de valeur : les auteurs n’hésitant pas à introduire des marques de cigarettes ou d’alcools dans leurs récits pour se voir ensuite offrir des cadeaux de fin d’année par les fabricants.


La fin des Trentes glorieuses signera toutefois le début de la fin de cette aventure. La nostalgie coloniale de ces produits de grande consommation, la présence de personnages féminins stéréotypés, d’un principe hiérarchique entre les cultures, de virilité bouffonne et primitive auront progressivement raison de cette littérature de gare. En somme, dans cette affaire, la culture se fit management avant de reprendre ses droits, et d’obliger le management à s’adapter à la nouvelle donne culturelle. Josette Bruce ne fut pas la dernière à percevoir cette évolution. Auteure après son défunt mari de 143 livres consacrés à Hubert Bonnisseur, elle déclarait déjà que son mari n’était au fond ni un auteur ni même un écrivant, encore moins un écrivain, mais seulement un « fabricant ».


D'APRÈS LE LIVRE :

Aux origines de la pop culture

Aux origines de la pop culture

Auteur : Mathieu Letourneux et Loïc Artiaga
Date de parution : 03/11/2022
Éditeur : La Découverte
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