De l'intelligence des données à l'expertise augmentée
Connexion
Accédez à votre espace personnel
Recevez nos dernières vidéos et actualités quotidiennementInscrivez-vous à notre newsletter
ÉCONOMIE
Décryptages éco Intelligence économique Intelligence sectorielle Libre-propos Parole d'auteur Graphiques Notes de lecture
STRATÉGIE & MANAGEMENT
Comprendre Stratégies & Management A propos du management Parole d'auteur
IQSOG
RUBRIQUES
Économie généraleFranceEurope, zone euroÉconomie mondiale Politique économique Emplois, travail, salairesConsommation, ménagesMatières premières Finance Géostratégie, géopolitique ComprendreManagement et RHStratégieMutation digitaleMarketingEntreprisesFinanceJuridiqueRecherche en gestionEnseignement, formation
NEWSLETTERS
QUI SOMMES-NOUS ?

Voir plus tard
Partager
Imprimer

VUCA, cet acronyme un peu simpliste utilisé parfois en gestion pour qualifier l’état du monde, a au moins le mérite de souligner que les décideurs sont bien en peine de comprendre l’environnement dans lequel ils sont. Volatilité, incertitude, complexité et ambiguïté, quatre notions de nature différente et incomparable, s’entendent toutefois pour mettre en évidence que la vulnérabilité des managers ne fait plus aucun doute.


Pour un philosophe comme Paul Ricoeur, la reconnaissance de cette vulnérabilité du décideur dans les organisations, qu’il s’agisse d’un chef d’entreprise ou d’un chirurgien, est toutefois une chance qui leur est offerte pour mieux exercer leurs capacités mais aussi mieux entrevoir leurs insuffisances. Et donc potentiellement combler ces éventuelles lacunes. Tout se passant comme si prendre une décision à l’issue incertaine, revenait, pour un manager, à faire l’expérience en situation de sa responsabilité propre. 


Mais peut-on en dire autant lorsqu’il s’agit d’évoquer cette fois non plus la vulnérabilité mais la fragilité ? Dans son dernier essai, le philosophe et poète Jean-Louis Chrétien fait une différence entre les deux notions : « Est vulnérable ce qui peut être blessé » précise-t-il, « ce qui suppose une atteinte venant de l’extérieur. Seul le vivant, au sens le plus large, puisqu’on peut le dire d’un arbre, est au demeurant susceptible d’être blessé, alors que « fragile » peut qualifier des êtres inanimés. »

Suivant notamment les voies tracées par les Pères de l’Eglise latine, il montre qu’au fond cette fragilité est constituante, qu’elle n’est jamais tout à fait évitable. Les efforts des philosophes stoïciens en ce sens paraissent d’ailleurs insignifiants et finalement inefficaces contre notre fragilité native. Ainsi que l’exprime l’auteur, « dans sa description de l’humaine fragilité, St Ambroise fait un fréquent usage de l’adjectif « lubricus » au sens général de « glissant », et donc d’instable, d’incertain, de périlleux. »


Mais à tout cela nous pourrions rétorquer que, contrairement à ce qu’il avance, l’antonyme exact existe depuis 2012, date à laquelle Nassim Nicholas Taleb publiait son livre Antifragile. A la manière du novlangue du Big brother de 1984, Taleb, un essayiste dont j’ai déjà eu l’occasion de parler sur cette antenne, a hâtivement décrété que l’exact antonyme de fragile était antifragile. Serait antifragile ce qui se renforce après une agression, après un carambolage. Avec le concept d’antifragilité nous serions dans un-delà de la résistance et de la résilience, dans un exercice de mithridatisation inouï où chaque télescopage serait un bien, chaque accident une opportunité, chaque poison absorbé par méprise un aléa bénéfique.


Face à cette improbable fiction, le livre de Jean-Louis Chrétien me semble un bon antidote, sinon à toute épreuve, du moins à celle consistant à prendre des vessies pour des lanternes, de prendre pour indestructible, pour divin en réalité car cela seul est infrangible, ce qui n’est en réalité que fragile.


Concluons en disant que si la vulnérabilité ricoeurienne nous ramenait à la responsabilité, la reconnaissance de notre fragilité nous confronter au caractère parfois « glissant » en effet des situations ambiguës et incertaines vécues dans les organisations. Quelques chercheurs en management ont suggéré que, pour y faire face, nous n’avions pas besoin de compétences proprement dites mais de capacités négatives, empruntant là un terme au poète John Keats. Selon lui, ces qualités sont celles « qui contribue(nt) à former un homme accompli lorsqu’il est capable de séjourner dans l’incertitude, les mystères, les doutes sans courir avec irritation après le fait et la raison. »


Au fond elles nous permettent de nous mesurer sans crainte à nos difficultés, à nos limites, parfois à nos inquiétudes, pour mieux les dépasser lorsque l’occasion se présente, si cette occasion se présente un jour. Ne serait-il pas temps d’enseigner la poésie aux managers ?


Publié le lundi 27 mai 2019 . 4 min. 01

D'APRÈS LE LIVRE :

Fragilité, de JL. Chrétien

Fragilité, de JL. Chrétien

Auteur : Jean-Louis Chrétien
Date de parution : 02/11/2017
Éditeur : Les Editions de Minuit
COMMANDER

Les dernières vidéos
Idées, débats

Les dernières vidéos
de Ghislain Deslandes

x
Cette émission a été ajoutée à votre vidéothèque.
ACCÉDER À MA VIDÉOTHÈQUE
x

CONNEXION

Pour poursuivre votre navigation, nous vous invitons à vous connecter à votre compte Xerfi Canal :
Déjà utilisateur
Adresse e-mail :
Mot de passe :
Rester connecté Mot de passe oublié?
Le couple adresse-mail / mot de passe n'est pas valide  
  CRÉER UN COMPTE
x
Saisissez votre adresse-mail, nous vous enverrons un lien pour définir un nouveau mot de passe.
Adresse e-mail :