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Happycratie : le management (désespéré) de son bonheur

Publié le mercredi 16 janvier 2019 . 4 min. 54

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La présence d’un Chief Happiness Officier, supposé créer les conditions du bonheur dans les entreprises françaises, parfois même dans des administrations belges, a-t-elle vraiment de quoi étonner ? L’idée que la motivation des salariés soit le principal facteur-clé de succès d’une organisation n’est pas nouvelle ; celle de considérer que leur bien-être en est la source, aussi bien que de leur fidélité ou de leur engagement, n’a rien de bien étonnant non plus.

Seulement là où les DRH autrefois promettaient des temps de pause et organisaient des voyages de remise en forme pour leurs équipes, les CHO planifient des happy hours et mettent en place des abonnements fitness. Bref rien de très nouveau sous le soleil.

Or c’est précisément en cela que ce phénomène interroge et surprend. Pourquoi se saisir, et seulement maintenant de manière « officielle », d’une question aussi universelle que celle du bonheur ? Serait-ce l’aveu que précisément les entreprises jusque-là ont échoué dans leur promesse de félicité, ainsi que l’indiquent les phénomènes de bore-out, de burn-out ou de brown-out déjà évoqués à l’occasion sur cette antenne ?

Comme le font remarquer Edgar Cabanas et Eva Illouz dans leur ouvrage Happycratie, nous assistons aujourd’hui, sous l’influence de la psychologie positive, au développement tout azimuts de l’industrie du bonheur : applications pour smartphones comme Happify, publications qui traitent du sujet -plus de 200 sur amazon ont le mot dans leur titre-, séminaires promettant épanouissement personnel et aide à soi-même, ou accès à des communautés en ligne comme possibility of change ne cessent de se multiplier.

Avec ces nouveaux outils, il est question de renverser la sacro-sainte pyramide des besoins de Maslow car ici ce n’est pas le succès qui mène à votre accomplissement personnel, mais c’est parce que vous êtes dans un état d’esprit positif. C’est parce que vous êtes l’indice personnifié du bien-être durable, que vous aurez bientôt du succès. La formule du bonheur serait finalement celle-ci : commencez par être heureux et tout ira bien.

Parmi les auteurs de ce champ de recherche en plein boom, Barbara Fredrickson étend même ce raisonnement à la sphère privée lorsqu’elle expliquent que « les mariages réussis se caractérisent par un rapport positivité/négativité d’environ 5/1, alors que les mariages qui vont de mal en pis, jusqu’à la séparation définitive, montrent un rapport d’environ 1/1. » Aujourd’hui la psychologie positive s’est même dotée de ses propres publications, comme le Journal of hapiness studies. Selon les auteurs, ce sont en quelques années plus de 60 000 recherches différentes qui auraient déjà été réalisées dans ce domaine, hélas sans résultat convaincant. Ceci pour au moins trois raisons ;

-La première est de mettre à jour son caractère d’évidence naïve. Certes en effet « le week-end est préféré au jeudi, le mauvais temps a une incidence sur le moral, le jour de Noël est un des plus heureux de l’année, les personnes dépressives préfèrent les teintes sombres » etc… mais tout cela ne nous apprend rien de très neuf.

-Deuxièmement, Cabanas et Illouz notent une invraisemblance du raisonnement : il faudrait sans cesse prendre soin de soi et tenter de se transformer, alors même que le but de toute cette affaire est de profiter paradoxalement d’une sorte de nirvana où la personnalité aurait atteint son plein achèvement.

-Dernier point, sans doute le plus important, c’est le fait d’oublier que dans nos sentiments les plus quotidiens, nous éprouvons en fait une part positive et une part négative : satisfaits de quitter un job par exemple mais tristes de laisser derrière soi des collègues estimés. Et puis si le bonheur est la porte d’entrée de toutes les félicités, que dire alors à ceux qui sont malheureux ? Et quoi dire à soi-même, lorsqu’on sera malheureux à notre tour ?

A ces trois points il faudrait opposer aux auteurs que la question du bonheur est une question moins anodine qu’ils semblent le penser. Pourrait-on la remplacer par « la justice, la prudence, la solidarité ou même la loyauté » interrogent-ils? Mais ce serait sans compter qu’aucun facteur, dans l’histoire des hommes, n’a jamais été plus essentiel et structurant que la recherche du bonheur. Pour le dire classiquement comme Blaise Pascal : « Tous les hommes recherchent d’être heureux. Cela est sans exception. (…) C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes. Jusqu’à ceux qui vont se pendre. » Entendu que le suicide apparait en effet à celui qui lui a recours comme une moindre souffrance que celle de continuer à vivre.

Le bonheur demeurera-t-il un objectif pour chacun d’entre nous, hors des frontières des organisations, comme en leur sein ? Je parierai même que les recherches de ce type en économie, en sciences de gestion, en sociologie et ailleurs, s’amplifieront en toute logique toujours davantage, sans d’ailleurs qu’à aucun moment il ne soit pris le soin de définir la notion. A moins peut-être qu’il faille se contenter seulement de la réponse que Don Draper, le personnage de Mad Men, donne au problème: « Qu’est-ce que le bonheur ? Le bonheur, c’est ce moment qui précède celui où vous aurez besoin de plus de bonheur encore. »


D'APRÈS LE LIVRE :

Happycratie - Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies

Happycratie - Comment l'industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies

Auteur : Eva Illouz et Edgar Cabanas
Date de parution : 23/08/2018
Éditeur : Premier Parallèle
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