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Si vous aviez quatre-vingt années à dépenser sur Instagram, vous n’auriez que le temps de voir l’ensemble des post déposés sur ce réseau depuis sept minutes. Cet exemple pour dire à quel point l’effervescence continuelle de la création d’images mises à notre disposition atteint des proportions inimaginables. Tout se passe comme si plus rien ne pouvait être invisible, ni secret, ni discret, dans un monde dominé par une technologie sans yeux mais avide de capter sans discontinuer notre attention oculaire. Car c’est bien la marchandise visuelle gratuite qui semble constituer le modèle d’affaires dominant sur la toile, jusqu’à l’overdose, jusqu’à la monstruosité, jusqu’à la perte de souveraineté des utilisateurs. Monstruosité - ainsi que l’indique l’étymologie du mot tetra - le téraoctet étant aujourd’hui l’unité de mesure pour stocker les photos.


Cette culture distributive de l’image, ce tsunami imagier qui se déverse sur nous matin midi et soir, et dont le contenu semble moins compter que sa propagation effective, c’est celle que décrivent Annie Le Brun et Juri Armanda dans leur essai Ceci tuera cela. En particulier dans une période pandémique où pour exister beaucoup se sont contentés d’exister sur les réseaux sociaux. « Ceci tuera cela » c’était l’expression employée jadis par Victor Hugo pour signifier la prise de pouvoir de la pensée, devenue ineffaçable grâce aux développements de l’imprimerie, sur la grandeur des chefs-d’œuvre architecturaux comme Notre-Dame, eux-mêmes sujets aux aléas du temps. Mais chez nos deux contemporains, aucune raison de se réjouir de cet immense mur d’images qui en captant notre attention réduit notre disponibilité au monde, aux autres et à nous-mêmes.


Les auteurs de préciser en effet que les technologies d’oculométrie – eyes tracking en anglais – utilisées par les grands acteurs de ce déferlement, permettent aujourd’hui de mesurer avec précision où se porte notre regard. Associées aux pixels espions, qu’aucun d’entre nous ne perçoit bien entendu car tout cela est invisible, ces techniques mobilisent nos capacités visuelles et réduisent de fait notre horizon perceptif. « Pour la première fois, notre futur est derrière nous » écrivent-ils. « Pour la première fois, l'homme n'écrit plus son histoire. » (p. 135). De ce constat pour le moins inquiétant, auquel s’ajoute les multiples applications de la reconnaissance faciale, qui trouveront bientôt dans le Métavers de quoi étendre leur principe, les relations humaines s’en trouvent impactées sur au moins trois aspects : 


- En premier lieu, parce que ne pouvant plus nous détourner de l’emprise que les images ont sur nos cerveaux, se sont nos capacités d’imagination qui se sont dérobées. « On se souvient que pour Pline l'Ancien » racontent les auteurs, « l'origine de l'image se confondait avec le geste de la jeune fille qui, voyant sur un mur l'ombre de son amant appelé à partir, n'avait pu s'empêcher d'en dessiner le contour. Image unique pour conjurer l'absence de l'être unique » (p. 62). A l’heure de Tinder, de Once et de Happn, l’être unique reste le plus souvent absent mais sur le mur de nos écrans les images sont innombrables et paraissent occuper tout l’espace du possible.


- En second lieu notre regard, ébloui et consterné tout à la fois, subi de plus en plus les modifications de perception que permet la technologie. Filtres apposés sur les visages, ou techniques modifiant le regard de deux utilisateurs d’un outil de communication, permettent « d’obtenir une image leur donnant l'illusion qu'ils se regardent dans les yeux » indiquent Le Brun et Armanda, « même si, de part et d'autre, on ne regarde que l'écran du smartphone. » (p. 272).


- Enfin ils insistent sur le « totalitarisme du nombre » (p. 150) que donne à voir cet empire des images, et qui déboucherait sur une « objectivité populiste », évoquée p. 167. Le nombre d’images vues et de post « likés » sont devenus les critères de la valeur ultime, et remplace peu à peu l’approbation plus ou moins amicale par l’évaluation du nombre de pouces levés sur telle ou telle application.


Alors quelle conclusion tirer de cette convaincante mise en garde des risques qui pèsent sur nos facultés d’imagination et sur la valeur de nos sentiments ? Qui pèsent, à l’échelle des organisations, sur nos capacités d’innovation et sur la qualité des relations que nous entretenons avec autrui ? Une option pourrait être platonicienne : prendre ces images qui nous environnent comme quantité négligeable, sorte de pis-aller, comme une représentation inadéquate du monde sensible. Par opposition au monde intelligible. La seconde est plus cynique et nous est suggérée par les auteurs : elle consiste à « faire la grimace », rien n’étant plus facile à manipuler qu’une image. Non pas pour exprimer une frayeur, mais pour rappeler aux systèmes de reconnaissance faciale que les traits de notre visage, qui disent une part essentielle de notre identité, ne nous servent pas qu’à plaisanter.


Publié le jeudi 21 avril 2022 . 4 min. 42

D'APRÈS LE LIVRE :

Ceci tuera cela, Image, regard et capital

Ceci tuera cela, Image, regard et capital

Auteur : Juri Armanda et Annie Le Brun
Date de parution : 03/03/2021
Éditeur : Stock
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