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Le digital vs les biens matériels : la fin des choses

Publié le mercredi 18 janvier 2023 . 4 min. 04

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Pour son essai consacré à la rationalité managériale, Thibault Le Texier il y a quelques années avait trouvé un titre aussi juste qu’inquiétant : le maniement des Hommes. Ce choix se justifiait pleinement en effet car c’est au mot latin « manus », la main, que l’on attribue l’origine étymologique du mot management. Mais ne devrions-nous pas plutôt ironiser sur cette appartenance latine ? D’abord parce que les managers sont précisément ceux qui « font faire » plutôt qu’ils n’utilisent eux-mêmes leurs mains pour produire un objet ou un produit. Mais surtout parce que les modes de management s’étant peu à peu digitalisés, ce n’est plus la main qui joue le moindre rôle, mais seulement le doigt, du latin digitus.


Les managers ne travaillent pas de leurs mains, mais utilisent leurs doigts pour choisir et trancher. Ils ne s’embarrassent plus de manier, manœuvrer ou même manipuler, mais se contentent de traverser, en bons Phono Sapiens – un Homo Sapiens doté d’un portable – leurs écrans avec leurs doigts pour optionner, calculer, décider. La main, en effet, ne calcule pas. Elle est, selon le mot du philosophe Martin Heidegger un "signe" dans la mesure où elle montre "ce qui est attribué à la pensée". Le doigt quant à lui se contente de traiter et trier des informations.


L’auteur qui cite ainsi Heidegger, c’est le philosophe germano-coréen Byung-Chul Han, un théoricien de la culture professeur à Berlin, et ancien étudiant en métallurgie, qui s’insurge contre la disparition progressive de la matière dans notre monde de plus en plus constitué de non-choses. La Fin des Choses c’est d’ailleurs le titre de son ouvrage dans lequel il montre que si le monde digital nous promet la fin des soucis, en permettant d’obtenir en deux clics tout ce dont nous imaginons avec besoin, il nous livre en fait à une nouvelle forme de déstabilisation. Pour Byung-Chul Han en effet, les choses nous offrent un peu de stabilité, un peu de repos, se sont en quelque sorte des « pôles de repos du monde » (p.12) indique-t-il. Des pôles de repos qui sont aujourd’hui entièrement enduits d’informations au point de disparaître complètement, refoulés de notre environnement jusqu’à s’éclipser dans une sorte de simulation du réel. Dans cette simulation, plus de résistance, plus d’opposition, plus « d’objection » proprement dite. L’objet, son côté rassurant et posé, a tout simplement disparu. Seule l’information reste disponible.


Plus inquiétant encore selon l’auteur, nous assistons, notamment dans les univers professionnels, à une décorporalisation particulièrement préjudiciable. « L'écran numérique qui définit notre expérience du monde nous coupe de la réalité » (p.78) écrit l’auteur, avant d’affirmer que c’est la perte d’autrui qui en découle. Environnés que nous sommes d’informations nous n’avons plus vraiment d’interlocuteurs auxquels nous serions personnellement liés. « Nous accumulons les friends et les followers sans rencontrer un autre » (p.20). Sans dimension corporelle en effet, l’esprit de communauté, l’affectio societatis, décroît nécessairement. Au fond, nos écrans nous immunisent, nous insensibilisent, contre les objets autant que contre les personnes. Au fond ce texte tente de nous prémunir efficacement contre le pouvoir indolore mais bien réel du numérique. Aux objets d’art par exemple nous pouvons faire confiance pour nous inspirer ou nous rassurer, tandis que les objets techniques ont ceci d’inquiétant qu’ils nous soupçonnent, nous observent et nous enregistrent sans que nous nous en doutions.


Certes, ne serait-ce pas oublier un peu vite que dans les foyers ou les entreprises ce sont des centaines d’objets qui sont accumulés sans qu’on sache vraiment pourquoi. Ne devrions-nous pas tout autant nous libérer des objets, de cette matérialité envahissante et vaine ? Ne serait-ce pas plutôt l’accumulation d’objets inutiles et laids qui devraient nous inquiéter ? Ne serait-ce la qualité des relations qui devrait finalement nous occuper l’esprit, plutôt que le nombre et la quantité d’objets mis à disposition ? Car lorsque « tout devient calculable, le bonheur disparaît » (p.135) explique justement l’auteur. « Le calcul est sans éros » conclut même notre philosophe, qui trouve peut-être là, en une courte et simple phrase, une explication philosophique au problème très actuel de la motivation au travail.


D'APRÈS LE LIVRE :

La fin des choses

La fin des choses

Auteur : Byung-Chul Han
Date de parution : 12/01/2022
Éditeur : Actes Sud
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