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Le goût du moche : c'est tendance

Publié le jeudi 23 septembre 2021 . 4 min. 15

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Sommes-nous entrés dans l’empire du moche ? Aux Etats-Unis, où les modes précèdent souvent les nôtres de quelques encablures, on voit se développer des concours où la mocheté est de rigueur : le Ugly Dog Contest sélectionne le chien le plus laid tandis que les Ugly Christmas Sweaters consacrent le pull de Noël le plus ridicule. Et le moins que l’on puisse dire est que la compétition est féroce. N’oublions pas le Rotten Sneaker Contest qui consacre la paire de tennis la plus malodorante et la plus usagée, événement qui, hélas pour les amateurs, n’a pu avoir lieu en cette année de crise pandémique.


Notons que le phénomène s’étend au-delà de la limite des frontières américaines : voir le concours de l’homme le moins séduisant du Zimbabwe ou les nombreuses créations sur Etsy, le site marchand, qui se distinguent volontairement du fait de leur laideur, par exemple « des poupées épouvantails ou des chaussons aux motifs de serviette hygiénique » (p. 30). Ne pas oublier le site Ugly design et ses « tasses de petit-déjeuner aux allures de toilettes (qui) proposent de déguster ses céréales matinales dans la cuvette » (p. 124). Je vous laisse bien entendu, sans obligation de votre part car ces images comportent des risques pour les prunelles les plus sensibles, découvrir toutes ces choses en ligne par vous-même.


Le goût du moche, dont les frontières ne cessent donc de s’étendre, c’est celui que décrit la journaliste de mode Alice Pfeiffer dans un ouvrage récent qui tente de nous faire apprécier les différences entre le kitch, le laid, le ringard, le clinquant, le beauf, le has been et le moche précisément. Elle y montre que la revendication du moche, devient de plus en plus pour les créateurs et leurs clients une manière de se distinguer. « Une nouvelle émancipation se compose (…) à l’image de Kim Kardashian » explique-t-elle, « qui apparaît dévêtue sur ses réseaux sociaux, enveloppée de logos, maquillée outrageusement. Elle raconte l’Amérique d’une self-made woman, où une fille connue pour une sextape peut gravir les échelons de la gloire ».


Mais le goût pour le manque de goût est aussi une façon de revendiquer avec fierté une critique sociale. La Distinction, c’était déjà le titre de l’un des ouvrages phares du sociologue Pierre Bourdieu qui montrait comment les groupes dominants tendent à trouver moche ce qui n’est pas tout à fait de leur goût. Et Pfeiffer d’ajouter son anecdote personnelle, fort triste au demeurant, lorsqu’elle évoque sa tante hongroise Aniouka, qui « roulait les « r » à en faire trembler les murs » (p. 57), dont l’appartement était rempli d’objets, comme des Royalty mugs ou des reproductions en cristal de monuments historiques, considérés comme kitch dans les beaux quartiers. Cette illustration de plus pour mettre en évidence que nos dégoûts pour le goût des autres disent au moins autant ce que nous sommes, que nos propres critères de beauté.


Dans cet essai, la journaliste énonce d’ailleurs que cette tendance n’épargne pas le marché de l’art contemporain ou le secteur du luxe. Les adeptes des mondes du luxe et de l’art peuvent faire du moche une marque « de fierté et de réappropriation » (p. 110).  L’auteur ne manque pas de rappeler que les collections les plus scandaleuses d’Yves Saint Laurent, notamment celle de 1971, avec ses mannequins habillées comme des prostituées des années 40, avaient pour but de choquer les gens pour les forcer à réfléchir. Pour l’art non plus cette tendance n’est pas si nouvelle : le mouvement Dada était en partie engagé contre une définition bourgeoise de la beauté, quant à la merda d’artista de Piero Manzoni, la valeur de l’une des 90 boîtes constituant l’œuvre n’a eu de cesse de prendre de la valeur.


En bref, le moche plait et se vend mais surtout il fait réfléchir et ne cesse de nous questionner. En matière de mode finalement le has been de demain n’est rien moins que le maintream de maintenant : pensez à la coupe mulet ou aux Dr Martens associées au mouvement punk. Quant au style dont la valeur monte aujourd’hui, on sait déjà qu’il sera bientôt aux portes de la ringardise. La lecture de cet ouvrage très réussi visuellement, grâce aux illustrations d’Aline Zalko et du travail de l’éditeur, nous pousse à revoir nos jugements les plus hâtifs et à réviser nos catégories en matière esthétiques et peut-être aussi morales. Car le moche comme catégorie esthétique, quoique toujours un peu ridicule avant d’être à la mode, est bien moins effrayant que son équivalent moral, le vulgaire, dont j’ai déjà eu, hélas, l’occasion de parler sur cette antenne…


D'APRÈS LE LIVRE :

Le goût du moche

Le goût du moche

Auteur : De Alice Pfeiffer
Date de parution : 12/05/2021
Éditeur : Flammarion
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