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Les marchandises émotionnelles : le marketing de l'émoi

Publié le lundi 21 octobre 2019 . 3 min. 53

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Que se passe-t-il quand nous ressentons quelque chose directement lié à un acte de consommation ? Dans ce cas, nos émotions sont-elles encore les nôtres ? Je m’explique : si nous regardons un film d’horreur, c’est pour jouer à avoir peur. Si nous choisissons d’aller au Club Med pour les prochaines vacances, c’est pour jouir d’un temps sans le moindre sentiment de culpabilité, quoique nous y fassions. Si nous écoutons une playlist destinée aux tout juste divorcés, comme cela existe, c’est pour tenter de produire à nouveau en nous-mêmes des ondes positives.


Cela étant, il est pourtant communément admis qu’au fond seules nos émotions nous appartiennent en propre, et seules nos émotions authentiquement éprouvées nous permettent de nous reconnaître nous-mêmes. Si je ris ou si je pleure, si je suis triste ou joyeux, j’assume par définition que c’est bien moi qui ressent les nécessités de ces états. Ma vérité est ce que je ressens au plus profond de moi-même. Mais comme le montre ces exemples nous ne cessons en réalité de coproduire des affects, téléguidés que nous sommes de plus en plus par des offres commerciales, ou médicales, qui intensifient en nous-mêmes des sentiments qui finissent par ne plus être tout à fait les nôtres.


Ce phénomène de « capitalisme émotionnel » c’est celui que décrit dans un ouvrage collectif la sociologue Eva Illouz qui conteste la thèse selon laquelle la sphère économique nous priverait de nos sentiments. En fait c’est l’inverse qui serait vrai : jamais nos ressources émotionnelles n’ont été autant l’objet d’intérêt de la part des marchands. On le voit bien avec le développement continu du marketing relationnel, sensoriel ou expérientiel.


Pour le dire comme le philosophe Axel Honneth qui préface l’ouvrage : plus « les comportements sociaux sont récupérables et récupérés. (…) plus nous sommes en train de perdre notre capacité de distinguer entre des sentiments réellement éprouvés et des sentiments qui ne sont les résultats que de manipulations » (p. 8). Consommer et agir sur soi deviennent consubstantiels au point que c’est bien aux marketers et peut-être aussi aux psychanalystes que, sans le savoir, nous confions le fait d’éprouver du plaisir, du dégoût ou de la bonne conscience.


« Rire est le meilleur remède » indique une carte de bon rétablissement ; il n’y a même plus besoin de l’écrire, Hallmark se charge de le faire pour nous. L’amitié, ou le souci d’autrui, sont en quelque sorte devenus une marchandise comme une autre, ce qu’Illouz et ses co-auteurs nomment une marchandise émotionnelle : nos émotions seraient donc des objets comme les autres qui peuvent être échangés, quantifiés, bref manipulés à l’infini.


Ce texte confirme ce que nous savons en management depuis les années trente et le développement de l’école dite des « relations humaines ». Celle-ci avait mis en évidence, notamment dans les expériences de Hawthorne développées par Elton Mayo, que le comportement humain était en grande partie déterminé par notre psychologie. On parle d’ailleurs aujourd’hui « d’intelligence émotionnelle » (Goleman) pour évoquer finalement le qualité primordiale d’un bon manager à savoir la capacité de gérer, d’évaluer ses propres sentiments, quitte à les transformer artificiellement, aussi bien que ceux des membres de son équipe. Tout se passant comme si les émotions étaient une compétence plutôt qu’une expérience personnelle.


On pourrait d’ailleurs étendre la remarque aux domaines de l’art par exemple, car qu’est-ce qu’un bon cinéaste ? ou un bon peintre ? Si ce n’est d’être celui ou celle qui sait nous émouvoir. Bref managers, artistes ou médecins, même combat.


Dès lors la question est de savoir si chacun de nous a encore les moyens d’échapper à l’intoxication de sa sensibilité par le marketing industriel, artistique ou médical autrement qu’en dénonçant le capitalisme immatériel comme le fait cet ouvrage. En résumé pouvons-nous encore sauver notre authenticité dans des systèmes d’influence qui la font peu à peu disparaître ?
Parions que cela soit encore possible, grâce notamment à la lecture d’un tel ouvrage, par exemple, pour nous prémunir contre les émotions factices mais aussi en veillant à des choses comme la qualité de nos consommations culturelles, la préservation du secret de nos données personnelles, ou la faculté de nous déconnecter des smartphones pour mieux tenter de nous reconnecter à nous-mêmes. Car l’authenticité présuppose un rapport retrouvé à nos émotions, réellement éprouvées et ressenties, aussi bien qu’à nos capacités de raisonnement.

Réf : Les marchandises émotionnelles. L’authenticité au temps du capitalisme. Sous al direction d’Eva Illouz. Préface d’Axel Honneth. Traduit de l’anglais par Frédéric Joly. Premiers parallèles. 2019.


D'APRÈS LE LIVRE :

Les marchandises émotionnelles

Les marchandises émotionnelles

Auteur : Eva Illouz
Date de parution : 07/02/2019
Éditeur : Premier Parallèle
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