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Méchanceté et médiocrité dans les médias : la banalité du mal

Publié le mardi 6 octobre 2020 . 4 min. 06

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La haine sous toutes ses formes qui s’exprime à la télévision, et plus encore sur les médias sociaux, est-elle la continuation de la lutte des classes par d’autres moyens ? Telle est la thèse au fond de François Jost, sémiologue et Professeur émérite à l’Université Sorbonne-Nouvelle, qu’il exprime dans son dernier ouvrage, La Méchanceté en actes à l'ère numérique, paru aux éditions du CNRS.


Pour ce spécialiste des médias audiovisuels la médisance et l’insulte, voire le meurtre symbolique, devenus monnaie courante sur internet, seraient le signe patent d’un malaise social, le symptôme d’un problème plus grave et plus profond, où chacun se croit autorisé, souvent de manière anonyme d’ailleurs, à exprimer son agressivité et son ressentiment toutes les fois qu’une telle chose est possible. Notamment à l’égard des personnes visibles médiatiquement, des experts et des prétendues élites.


Mais avant de tirer cette leçon générale, Jost entreprend de montrer par une série d’exemples comment c’est en fait tout un processus, de plusieurs dizaines d’années, qui permet d’expliquer l’apparition sur nos écrans d’actes de méchanceté : qu’il s’agisse de dénigrements, d’attaques, de prises à partie violente qui ont pour but à chaque fois, côté spectateurs, de prendre plaisir à voir détruite la partie adverse.


Ces actes fournissent la matière de six chapitres qui décrivent cette montée en puissance : si l’humour noir, façon Hara Kiri, était drôle plutôt que bête et méchant, l’expansionnisme de la méchanceté médiatique, et de son spectacle, trouve ensuite plusieurs points d’ancrage : d’abord la mise à nue de l’intimité des invités sur les plateaux, puis le développement d’émissions polémiques visant à faire le « buzz », tout cela à l’ère de la télévision dominante. Et ensuite, grâce aux capacités de propagation des médias sociaux, le « trolling » et le « bashing » - les messages tendancieux et malveillants d’un côté, l’insulte pure et simple de l’autre -, ont pris le relais, et ceci jusqu’à ce que l’incitation à la haine s’invite à son tour sur nos écrans, constituant ainsi l’étape ultime de cet enchaînement, illustré en couverture du livre par la figure du Joker.


Cette couverture du livre pourrait toutefois induire en erreur, car ce que décrit Jost ce n’est pas un mal radical, identifié dans telle ou telle personne « méchante » mais des actes, des actes que l’on pourrait dire banals, qui semblent même ne plus choquer personne.


Or l’empire du banal dans les médias et dans la société, c’était précisément l’objet d’un précédent livre important de François Jost dans lequel il mettait en évidence comment le trivial, l’ordinaire, au fond l’insignifiant, avait pris une place centrale au cœur des stratégies de programmation des grands médias. Accomplissant ainsi, mais au détriment de la qualité des rapports sociaux, un rabaissement généralisé, aussi bien des « vrais gens » supposés raconter leur vie mais en réalité « jetés en pâture aux téléspectateurs » (p. III), que des personnalités -j’emploie l’expression ici entre guillemets - de la Ferme célébrités, ce programme nous rappelle Jost qui mettait des personnages médiatiques « dans des situations prosaïques, en leur demandant d’accomplir les gestes ordinaires des gens des campagnes » assurant ainsi «  par procuration une vengeance populaire. « (p. 116). Bref non pas un ordinaire revendiqué et choisi, à la manière des sérigraphies d’Andy Warhol ou de l’urinoir de Marcel Duchamp, mais une manière inconsciente de reconnaître l’homme sans qualité, de sembler vouloir l’élever un temps en lui donnant le droit d’être un héros, sans que la promesse ne soit finalement tenue.


Au final, cette nouvelle « banalité du mal », ne devons-nous pas craindre qu’elle se mette à « tout envahir et ravager le monde entier précisément parce qu’il se propage comme un champignon », comme l’indiquait dans un tout autre contexte celle qui en a forgé le concept, la politologue Hannah Arendt ? Là où l’absence de pensée abonde, expliquait-elle, alors la banalité du mal surabonde.


Face à l’empire de la banalité et de la méchanceté, les médias devront donc retrouver bientôt une capacité critique qui paraît leur faire défaut. La route sera étroite et difficile, comme l’indiquait l’ancien producteur de télévision Philip Plaisance au quotidien Libération il y a quelques années, « la télévision, qui, pendant cinquante ans, a exprimé un pouvoir venu d’en haut, se trouve aujourd’hui dans l’obligation de composer avec la biographie de ceux qui la regardent » .


Réf.

Jost, F. (2018). La Méchanceté en actes à l'ère numérique, CNRS : Paris.

Jost, F. (2007). Le culte du banal. CNRS Editions : Paris


D'APRÈS LE LIVRE :

Le culte du banal

Le culte du banal

Auteur : François Jost
Date de parution : 11/04/2013
Éditeur : CNRS Éditions
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