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Quand Pascal se faisait entrepreneur

Publié le mercredi 23 novembre 2022 . 5 min. 07

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On croit depuis Thalès que le philosophe, trop occupé à regarder les astres, court plus que n’importe qui le risque de tomber dans un puits. La philosophie a depuis la réputation de ne pas être très pratique. Notez toutefois que parmi les plus grands philosophes, plusieurs ont exercé une profession à part entière qui n’avait que peu à voir avec la classe de philosophie : Bergson fut diplomate, Spinoza polisseur de lentilles, Marc-Aurèle était empereur et Simone Weil ouvrière. Les quatre furent aussi philosophes. Certes il doit bien se trouver des entrepreneurs qui se prennent pour des philosophes, mais connait-on ne serait-ce qu’un seul philosophe qui aurait été, dans le même temps, entrepreneur ? Figurez-vous que la réponse est positive. Grâce au susnommé Thalès qui fit fortune en spéculant sur l’utilité des pressoirs à huile – notez que c’est aussi le nom aujourd’hui d’une entreprise du Cac 40 – mais aussi grâce à Blaise Pascal qui fut à l’origine de plusieurs entreprises mais dont la plus significative fut la dernière, la création des carrosses à cinq sols, c’est-à-dire du premier réseau de transport collectif intra urbain à Paris.


L’histoire, que vous pouvez découvrir en détail sur Youtube grâce aux merveilleuses Minutes de Port-Royal, notamment la 90ème du nom que le Professeur Philippe Sellier consacre aux aventures industrielles de Pascal, se présente ainsi : au XVIIème siècle, seules les personnes disposant d’un moyen de transport privé peuvent circuler rapidement dans la capitale. L’idée de Pascal consiste à créer un réseau de cinq routes, dont trois partent des jardins du Luxembourg où il habite lui-même, pour permettre aux bourgeois de l’époque, pour une somme relativement modeste, de traverser Paris à leur guise. Cette innovation qui fut un immense succès populaire, datée de 1662, et dans laquelle Pascal investira ses économies aux côtés de son ami le Duc de Roannez, lui rapportait l’équivalent d’un revenu annuel supérieur à 250 000 euros, preuve par le résultat financier du succès de l’opération. Dès lors, est-il possible, plus de deux siècles avant que Taylor ne s’intéressât au management scientifique, de tirer quelques facteurs-clés de succès de ces aventures pascaliennes ? Si l’on s’en tient au récit que donne Eric Lundwall de cette histoire singulière, il ne semble pas déraisonnable de répondre que oui, grâce à cinq motifs :


- Le premier concerne l’analyse du segment de marché. Pascal vise une cible de bourgeois qui n’ont pas les moyens de vivre comme les gentihommes mais qui grâce à l’équivalent de dix euros y parviennent, en roulant à leur tour en carrosse. Nous sommes sur le segment « milieu-haut de gamme » (p. 38).


- Le second concerne la fixation du prix de la prestation. Il faut se souvenir que Pascal avait vécu un échec relatif avec sa machine arithmétique du fait de son prix exorbitant qui en limita l’expansion (on ne liste aujourd’hui que 9 exemplaires de cet objet dans le monde, dont quatre se trouvent au Conservatoire des Arts et Métiers à Paris, sur les 20 furent fabriquées en tout et pour tout par les ouvriers travaillant pour Pascal). Pour ce nouveau projet le prix n’est pas fixé au hasard puisqu’il correspond indique Lundwall (p. 40) « au montant de la solde journalière d'un soldat, ou encore le prix d'un acte médical comme la saignée ». En bref une tarification qui tient compte d’un seuil psychologique.


- Le troisième se rapporte à la stratégie de communication. Avec la machine arithmétique, Pascal insistait sur son caractère exceptionnel. Au contraire, le carrosse à cinq sols est présenté je cite comme « les coches à la campagne » : on met l’accent sur le caractère banal, sur le fait qu’il s’agit d’une commodité offerte à tous, qu’elle s’inscrit dans les mœurs et les coutumes de l’époque.


- Le quatrième motif est lié au volet industriel : Pascal externalise tout ce qu’il peut, aussi bien la fabrication, grâce à un réseau d’artisans normands, que la distribution. Comme « Nike lance un modèle de chaussures de sport » indique Lundwall, « il tient les deux bouts de la chaîne, maîtrisant l'extrême amont (la conception du produit) et l’extrême aval (la communication vers le public) » (p. 31).


- Le cinquième et dernier motif est stratégique : Pascal ne confond pas son œuvre littéraire et théologique avec cette expérience industrielle. Car ici il n’invente rien, non, le transport en commun existe dans déjà dans d’autres villes. Ici, il innove, ce qui n’est pas tout à fait la même chose. « La disposition des matières est nouvelle » écrit-il dans une pensée. « Quand on joue à la paume c’est une même balle dont joue l’un et l’autre, mais l’un la place mieux » (sel. 575).


- Le sixième motif aurait pu être l’expansion régionale et internationale du concept, en discussion au moment où intervient la mort de Pascal. Toutefois avec ce projet devenu un succès public, le philosophe démontrait deux choses qui ne doivent donc plus nous surprendre trois siècles plus tard 1) la rationalisation des méthodes de gestion n’a pas attendu le XXème siècle pour apparaître, elles existaient déjà au XVIIème et 2) la notion de « raison d’être » d’une organisation non plus : derrière cette opération commerciale, qui n’était rien d’autre qu’une entreprise charitable visant à donner au peuple la possibilité de vivre comme des Princes, rouler en carrosse, c’est en fait toutes les convictions politiques de Pascal qui figuraient en creux.


D'APRÈS LE LIVRE :

Les carrosses à cinq sols

Les carrosses à cinq sols

Auteur : Eric Lundwall
Date de parution : 04/07/2000
Éditeur : Science Infuse
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