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Réinventer le goût perdu du travail

Publié le lundi 30 mai 2022 . 4 min. 27

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Le rêve des économistes, d’Adam Smith à Keynes, a toujours été que le progrès et les seuils de productivité du capital seraient la source d’une désintensification du travail. Or il n’est pas très original de constater qu’il n’en est rien, et que le travail continue majoritairement, pour ceux qui en cherchent comme pour ceux qui en ont, d’occuper leurs agendas dans des proportions qui s’étendant au-delà de l’emploi : dans les sphères associatives, culturelles ou familiales. Au point d’ailleurs qu’au Japon, le terme de « kacho-byo » ou « maladie du manager », a été inventé pour décrire le stress insurmontable suscité chez les cadres moyens par la hantise de ne pas être promu, de décevoir leur équipe, de se couvrir de honte, ou pire encore, de mécontenter leur patron et d'affaiblir leur entreprise » (p. 391). En bref l’analyse économique du travail est insuffisante aujourd’hui pour comprendre les mécanismes du travail aussi bien que son horizon.


Tournons-nous donc vers ce que les anthropologues peuvent à leur tour nous apprendre, eux qui, pour avoir étudié l’humanité depuis son commencement, savent que dans certaines civilisations « les diamants n'ont aucune valeur, mais l'eau n'a pas de prix » (p. 326). C’est là le point de départ de l’enquête que l’anthropologue James Suzman consacre à cette question dans un livre récemment traduit en français. Etude consacrée à des contrées et un temps lointain, celui des chasseurs-cueilleurs, et de la tribu des Ju/’hoansi, présents dans le désert namibien de Kalahari. Du reste, c’est Claude Lévi-Strauss le premier qui avait noté que l’invention du feu menait droit aux machines, dans la mesure où il avait permis à nos ancêtres de se consacrer à des activités de loisirs, et que corollairement c’était l’activité opposée, le travail donc, qui avait été créé. En passant du cru au cuit, l’humanité inventait un manière de transformer les objets, et donc inventait le travail. En fait, « tout comme les aliments crus sont « travaillés » par la combinaison de l'action humaine et du feu pour se transformer en repas » explique Suzman, « un charpentier transforme des arbres en meubles ; un enseignant travaille à transformer l'ignorance de ses étudiants en connaissances ; et un responsable du marketing travaille à transformer du stock en marges commerciales. » (p. 134)
Mais que constate-t-il plus globalement dans son enquête ? Eh bien que, contrairement à l’idée reçue, nous travaillons au moins deux fois plus que les Ju/’hoansi, et qu’en conséquence notre activité dédiée aux loisirs est moindre. Sachant qu’il n’est pas sûr que nous trouvions dans ces deux activités autant de satisfaction qu’eux : la chasse et la cueillette n’étaient pratiquées après tout que pour répondre aux besoins immédiats du groupe et rien de plus, alors que nous nous exténuons, tel Sisyphe, à dépenser une force et une énergie, dont nous manquons de plus en plus et à tous égards, qui paraissent de moins en moins nous satisfaire.


Or le travail dans ces tribus avait pour caractéristique d’être un système « à retour immédiat » (p. 166), sans liens hiérarchiques entre les individus. Ce n’était pas le chef qui attribuait la prise d’une partie de la chasse, « mais la personne qui possédait la flèche qui avait tué l'animal » raconte Suzman. « Il n'était donc pas rare que des chasseurs assidus empruntent des flèches à d'autres, moins zélés, pour éviter d'avoir à distribuer la viande. Cela signifiait également que les vieillards, les myopes, les boiteux ou les paresseux avaient eux aussi l'opportunité de se retrouver, de temps à autre, au centre de l'attention. » (p. 178). Car ce n’était la peur de manquer qui produisait l’action mais simplement la satisfaction d’un désir immédiat à contenter. Or un économiste tel que Keynes, aux alentours des années 30, espérait bien qu’un jour cette situation se reproduirait à l’identique dans nos sociétés : qu’à un moment donné du développement technologique, le problème de la rareté serait résolu et que « seuls les imbéciles travailleraient plus que nécessaire (…) », et que « quiconque rechercherait la richesse pour le plaisir de s'enrichir serait tourné en ridicule » (p. 426.)


Or les prévisions optimistes de Keynes, c’est le moins que l’on puisse dire, ne se sont pas produites. Dès lors, peut-être serait-il temps de dépasser le cuit, sans forcément revenir au seul crudivorisme. Car ce que les travaux de Levi-Strauss mettaient surtout en évidence, c’est qu’une expérience comme celle du feu nous oblige finalement à développer de nouveaux paradigmes du travail. A l’heure de la crise énergétique et du syndrome d’épuisement professionnel, par surmenage ou par ennui, nous devons également revoir nos dispositifs managériaux. En bref c’est la petite cuisine du management qu’il nous faut repenser, afin de réinventer le goût du travail.


D'APRÈS LE LIVRE :

Travailler, La grande affaire de l'humanité

Travailler, La grande affaire de l'humanité

Auteur : James Suzman
Date de parution : 15/09/2021
Éditeur : Flammarion
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