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2 histoires, 2 cultures, des régimes juridiques différents, des tutelles multiples, tout portait à croire que la séparation entre grandes écoles et universités était éternelle. C’est le rapport Attali, en 1998, qui a lancé ou relancé l’idée de leur rapprochement. Depuis, la situation a considérablement évolué. Mais peut-on dire que cette spécificité française est en train de s’effacer ou tout du moins de s’estomper ? En réalité, c’est l’éternelle histoire du verre à moitié vide - à moitié plein.


Rappelons d’abord ce que contenait ce rapport.


D’abord une vision proposant que les établissements d’enseignement supérieur forment « un système plus homogène, dans des ensembles géographiquement cohérents, mettant en commun leurs moyens et disposant d’une réelle autonomie. »


L’idée centrale était que, universités, écoles et organismes de recherche convergent pour faire émerger 8 à 10 grands pôles d’excellence visibles mondialement.


En résumé, il s’agissait de miser sur une fertilisation croisée qui a été le fil rouge des réformes menées depuis 1998, d’abord par Claude Allègre, puis par ses successeurs autour des politiques de site.


2 des objectifs ont connu au fil du temps des fortunes diverses.


Le premier était un objectif pédagogique, autour de crédits ECTS, les diplômes français obtenus dans un système éclaté, prépas en 2 ans, diplômes d’ingénieurs gérés par la CTI, diplômes propres d’écoles de commerce, DUT, licences, et d‘arriver au niveau master à une homogénéisation autour d’un lien plus fort avec la recherche. Tout ceci allait se concrétiser avec la déclaration de la Sorbonne puis le processus de Bologne et la mise en place du 3/5/8, le LMD.


Ceci devait bousculer l’édifice institutionnel, chaque étudiant étant supposé passer d’un établissement à l’autre, et ces derniers devenant comparables.


Le second objectif était de réunir Grandes écoles et universités au sein de grands pôles d’excellence en valorisant les qualités supposées des unes et des autres : sélectivité, professionnalisation des formations, et gouvernance forte côté écoles, masse critique, diversité sociale, corps professoral de haut niveau et recherche côté université.


Un troisième a été ajouté en 2010 avec le PIA et les initiatives d’excellence, véritable carotte financière mais aussi avec une véritable pression sur les convergences.


Où en est-on 22 ans après ?


Pour les formations, la convergence attendue est partiellement une réalité au niveau master et doctorat, tandis que l’équivalence bachelor des écoles/licences reste au cœur de polémiques. Le consommateur étudiant et les établissements se sont emparés des possibilités offertes : passerelles après la licence, recrutements parallèles en écoles de commerce et écoles d’ingénieurs, marché des masters universitaires etc.


Quant aux politiques de site, cela a plutôt ressemblé à un cauchemar institutionnel, avec la création des PRES puis des Comue, autour du « big is beautiful », véritable chiffon rouge pour les écoles. La possibilité ouverte fin 2018 de créer des établissements expérimentaux avec des écoles gardant une grande partie de leurs prérogatives a apaisé.


En tout cas, la première étape du rapprochement… a été paradoxalement que les universités elles-mêmes se rapprochent entre elles autour de fusions réussies, comme à Strasbourg, Bordeaux, Aix-Marseille ou encore l’université de Lorraine avec la fusion de 2 universités avec les écoles d’ingénieurs.


Nous sommes désormais au cœur de la seconde étape… 22 ans après.


Côté verre à moitié plein, des initiatives audacieuses et inenvisageables il y a encore quelques années voient le jour. C’est le cas pour les fleurons que sont l’université Paris Saclay, avec CentraleSupelec, l’ENS ex Cachan ou encore AgroParisTech choisissant de s’allier à la puissance scientifique de l’université Paris Sud, de l’université PSL réunissant à la fois Normale Sup, Dauphine, l’ESPCI ou encore l’école des Mines.


Mais c’est aussi le cas de Cergy, rebaptisée CY Paris Université qui non seulement intègre une école d’ingénieur privée mais crée une école de design. Ou encore de la nouvelle université Gustave Eiffel qui intègre 4 écoles dont une de la CCI Paris Région Île de France.


Côté verre à moitié vide, les sites de Toulouse et Lyon-Saint-Etienne sont minés par leurs guerres picrocholines y compris d’ailleurs entre universités ! Enfin, le projet de l’IPP avec l’école polytechnique, parallèle à celui de l’université Paris Saclay, confirme le poids de l’histoire et des grands corps.


Et puis, restent en dehors du champ pour l’instant, les Business schools dont le modèle économique demeure incompatible avec celui des universités mais qui face à la crise sanitaire vont devoir innover.


Alors verre à moitié vide, verre à moitié plein ? La grande leçon de ces 22 dernières années, c’est la lenteur d’un processus qui paraît cependant inéluctable. La réussite sur la durée de quelques projets emblématiques comme l’université Paris Saclay, la pertinence ou non de l’IPP avec l’école polytechnique, l’université PSL mais aussi Cergy ou Gustave Eiffel, en seront le marqueur.


Publié le mercredi 6 janvier 2021 . 5 min. 52

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