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Quelles sont les conséquences économiques de la crise sanitaire dans l’enseignement supérieur ? Pour les universités, financées essentiellement sur fonds publics, elles sont relativement faibles, sans impact sur les recettes en raison de la quasi-gratuité des frais d’inscription. En revanche pour les écoles, et surtout pour les business schools, le choc pourrait être rude.

Pour comprendre, il suffit d’observer par exemple ce qu’il se passe pour les universités américaines et britanniques, basées sur ce modèle de frais d’inscription élevés, abondé par une manne venant des étudiants étrangers.

Partout, elles réduisent à la voilure : ainsi aux Etats-Unis, l’université Cornell baisse ses coûts, notamment en réduisant les salaires de ses dirigeants et en gelant tous les salaires et embauches, tandis qu’en Angleterre les universités de Bristol, Newcastle et du Sussex licencient des centaines de personnels.

Pas de risque de ce type pour les universités françaises, habituées par ailleurs à vivre de peu. D’autant qu’entre la loi recherche et le plan de relance, le gouvernement leur promet près de 6,5 milliards d’euros. Leur crainte, c’est surtout le tarissement du vivier déjà mal en point de doctorants, dont les étudiants étrangers représentent près de 42% des inscrits.

Non l’inquiétude est du côté des écoles.

Pour beaucoup d’entre elles, privées ou associatives, l’enjeu est la capacité des étudiants à souscrire des prêts pour financer des études onéreuses. Face à la frilosité des banques, le gouvernement vient de décider de majorer la dotation annuelle du fonds de garantie géré par BpiFrance de 4 M€ à 20 M€, afin d’augmenter sensiblement le montant des prêts mis en place par les banques partenaires, avec l’objectif de passer en 2020 de 11 500 bénéficiaires potentiels à 67 500 en 2021.

Pour les écoles d’ingénieurs, la fermeture de programmes aux droits d’inscription élevés ciblés sur des étudiants étrangers est à l’ordre du jour. Mais la grande interrogation concerne les écoles spécialisées dans des secteurs industriels sinistrés.

Mais les écoles potentiellement les plus exposées sont naturellement les business schools. Désormais privées des ressources des CCI, elles sont engagées depuis des années dans une course à la taille critique et au recrutement de « stars » de la recherche pour conquérir ou garder leurs accréditations.
Leur modèle économique était basé sur un trio apparemment gagnant :
- les recettes des frais d’inscription avec une forte exposition internationale.
- celles venant de l’alternance.
- celles de la formation continue.

Or, la crise rebat les cartes, à la fois du côté des entreprises dont on ne mesure pas encore la résilience et du côté des familles et des étudiants.

Mais c’est surtout le risque de tarissement de la manne des étudiants asiatiques, chinois en particulier qui inquiète.

Bien sûr officiellement les discours sont rassurants … pour 2020. Il y a même une bonne nouvelle : le taux de remplissage des écoles de management remonterait, selon les résultats du Sigem 2020 à près de 97 %.

Mais quand le directeur général d’HEC Paris Peter Todd affirme que son chiffre d’affaires va significativement chuter par rapport à une année normale et qu’il souligne que l’activité de formation continue, qui représente 50 M€ de chiffre d’affaires annuel, est "à l’arrêt total", un frisson parcourt toutes les écoles.

Car les investissements dans le numérique, certes importants, comptent peu face à des dépenses croissantes de masse salariale. Et puis, la course à la taille critique a conduit certaines écoles à bâtir de nombreux programmes immobiliers, parfois pharaoniques, engagés ou livrés.

Relativement agiles sur le numérique, les écoles butent cependant sur un obstacle de taille : faire payer un étudiant étranger entre 7 et 17 000 euros pour un cursus en grand partie à distance est un pari plus que risqué !

Car ce qu’achètent partout dans le monde les étudiants en mobilité, c’est un contenu académique mais aussi et surtout une expérience étudiante !

La diversification des ressources qu’avaient entamé les écoles est donc également bousculée par cette crise inédite. Les entreprises n’ont pas aujourd’hui comme priorité les programmes de formation continue !

Et toutes n’ont pas la trésorerie de l’Edhec qui annonçait en janvier dernier la vente à Singapore Exchange Ltd de 93 % du capital de sa spin-off Scientific Beta valorisée 200 M€.

Les crises ont cette vertu d’accélérer des évolutions et de révéler des failles. Les mésaventures de l’EM Lyon, entre crise de gouvernance, perte de la durée maximale de son autorisation à délivrer le grade de master et critiques sur les contenus des cours, sont-elles annonciatrices d’autres secousses ?

Toutes les écoles pourront-elles faire face à cette étape difficile ou y aura-t-il une accélération des consolidations ?
L’enseignement de la gestion de l’incertitude pourrait en tous cas figurer aux programmes !


Publié le lundi 28 septembre 2020 . 4 min. 34

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