Comprendre les effets de synergies
Publié le jeudi 16 juin 2016 . 4 min. 44
« Rapprocher des activités, voir les faire travailler ensemble plutôt que séparément pour être plus performant » : c’est un peu la philosophie des effets de synergie qui se résument aussi par le fameux « 1 + 1 = 3 ». En termes plus académiques, l’effet de synergie peut être défini comme le surcroît d’efficience ou d’efficacité qui est provoqué par la collaboration entre deux entités économiques. D’un point de vue stratégique, cette coopération peut s’établir sur n’importe quel maillon de la chaîne à valeur.
« Synergie », c’est un vieux terme emprunté à la physiologie, qui a été importé par analogie au XXème siècle dans les sciences humaines puis à partir des années 60 en économie et en stratégie. Les sciences économiques ont ainsi utilisé ce terme pour évoquer les conséquences positives des économies d’échelle et des externalités. Le management stratégique s’en est ensuite emparé pour suggérer l’attrait financier du rapprochement d’entreprises au sein de conglomérats. Ensuite, avec le développement des techniques de segmentation stratégique, l’accent a été mis sur l’intérêt de développer des coopérations entre les différents domaines d’activités stratégiques de l’entreprise pour la rendre plus performante.
On l’aura compris, la « synergie » est une notion très utilisée en stratégie d’entreprise, mais elle reste bien mal définie. On peut ainsi identifier de très nombreuses sources de synergies, et il est difficile d’être exhaustif. On se limitera ici aux principales :
- Viennent bien sûr d’abord à l’esprit les synergies de coûts. La collaboration entre deux activités peut permettre une suppression des redondances dans l’utilisation des ressources, mais aussi provoquer des économies d’échelle voire des effets d’expérience, de partager des coûts. Sur ce dernier point, citons la mise en commun d’un effort de recherche développement, l’utilisation d’une marque ombrelle, ou la mise en commun des maillons transversaux de la chaîne de valeur comme les services administratifs et financiers. Les synergies de coûts sont bien entendu particulièrement sensibles lorsque l’on rapproche des activités où les coûts fixes sont importants.
- Il faut aussi évoquer les synergies liées à des effets de revenus. C’est par exemple le cas dans la mise en commun de circuits de distribution, ce qui permet de renforcer la force de frappe commerciale. Citons également : le rapprochement de deux entreprises complémentaires du point de vue de - On pourrait aussi mettre en avant le partage des meilleures pratiques, les fameuses « best practice », qui doivent en théorie être la source de baisses de coûts, d’améliorations de qualité et d’efficacité, et d’augmentation de revenus.
À vrai dire, les avantages supposés des effets de synergie ont longtemps légitimé une fuite en avant dans les stratégies d’acquisition, et justifié des diversifications tous azimuts. Or, force est de constater que nombre de fusions-acquisitions se traduisent par des résultats décevants, voire des échecs. Les synergies sont en effet bien souvent plus difficiles à mettre en œuvre que prévu. C’est que les effets négatifs du rapprochement d’entreprises sont souvent sous-estimés :
- Par exemple, la gestion d’activités diversifiées engendre d’importants coûts de coordination, un phénomène bien mis en avant dès les années 80 par Jean-Pierre Détrie et Bernard Ramanantsoa.
- Il faut également tenir compte du choc des cultures d’entreprises avec des équipes aux expériences différentes, voire la domination d’une équipe par une autre qui peut se traduire par des pertes de savoir-faire.
- Attirons également ici l’attention sur la priorité trop systématique qui peut être accordée à la mise en œuvre de synergies au sein des différents business units. Cela peut handicaper d’autres leviers de création de valeur, comme par exemple le lancement d’un nouveau produit, le développement d’un bouquet de services complémentaires, ou la création d’une offre réellement innovante.
On l’aura compris, la perspective d’effets de synergies exige une analyse très rigoureuse, qui prend en compte tous les aspects de la chaîne de valeur. Mais si les effets bénéfiques de la coopération sont biens analysés par le courant de l’économie industrielle et de la théorie des jeux, parler de synergie stratégique sert bien trop souvent à légitimer une communication corporate à vocation essentiellement financière.
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