"Vous êtes directeur associé de P-Val Conseil, qui accompagne ses clients dans leur transformation digitale. Xerfi Canal TV vous reçoit à l’occasion de la parution du livre « La vente complexe » (Editions Dunod) que vous cosignez avec Laurent Dugas, qui traite des nouveaux enjeux de la vente B2B. Alors déjà : pourquoi aborder ce sujet sur lequel la littérature abonde ?
Non, détrompez-vous : le commercial est un sujet totalement en friche dans les entreprises. La raison, c’est que la non-performance commerciale est trop souvent expliquée par une fatalité externe. Il y a la fatalité du prix : « on est trop cher » ; la fatalité de la situation économique : « le contexte n’est pas bon » ; la fatalité de la perte des affaires : « notre taux de succès de nos offres est de 30%, et il normal ». Ou encore la fatalité de la performance des commerciaux. On se dit « mes commerciaux n’ont pas cela dans le sang ». Mais ces non-performances sont bel et bien le résultat d’une succession d’erreurs et c’est ce que démontre ce livre.
Vous voulez dire que ces fatalités servent à justifier l’absence de performance ?
Oui, elles traduisent un déficit d’esprit de conquête... Autrement dit, les entreprises B2B sont artisanales sur la vente ; elles ne sont pas en ordre de marche… parce qu’elles n’ont pas travaillé professionnellement ce sujet de leur performance commerciale.
Oui, mais ne peut-on pas trouver néanmoins quelques contre-exemples qui montrent que la performance est bien le résultat d’actions concrètes et ne sont pas dû uniquement à la chance ?
Oui, [un exemple parlant, même s’il est B2C est celui d’Uber]. Aujourd’hui, les VTC sont en train d’enfoncer le marché des taxis. Pourtant, le marché n’était soi-disant pas en croissance, le contexte économique était difficile. Eh bien Uber a gagné. Alors pourquoi ? Eh bien parce qu’ils ont su entendre le client et lui apporter une meilleure proposition de valeur que celle des taxis historiques. Un autre exemple de réussite, c’est celle de Fives - dont le président a signé la préface de notre livre. Fives est une société française qui sur le sujet de l’ingénierie industrielle est un leader mondial face à des concurrents - chinois en particulier.
Mais comment font-ils face aux chinois ? On s’interroge… Par exemple, le travail leur coute plus cher…
Eh bien tout simplement en créant un nouveau Monde commercial. Je pourrais qualifier ce Monde de « protestant » par opposition à un Monde « catholique ». Autrement dit « convertissez-vous à des valeurs sociologiquement plus protestantes que catholiques ». Je veux dire par là : « Osez parler d’argent à vos clients », « Osez faire des promesses business », « Osez traduire ces promesses en gains financiers », ou encore « Osez leur dire que vos retours sur investissement sont excellents et meilleurs que ceux de vos concurrents ». Mais ce slogan du protestantisme va plus loin. Il veut également dire : « Quittez votre Monde actuel, celui qui vous conduit à mettre en avant votre performance technique », mais aussi que « Les affaires se gagnent non pas sur la conformité à des fonctionnalités ou des critères de performance mais sur la recherche d’une solution qui – structurellement – va rapporter plus d’argent au client ».
J’imagine qu’il faut donc complètement changer de modes de travail pour devenir une entreprise « Vente Complexe » ?
Effectivement, ce n’est pas un changement de registre d’argumentation d’une solution « technique » dont il s’agit, c’est un changement des solutions que les entreprises doivent imaginer pour leurs clients. Devenir protestant, c’est mettre en place de nouveaux modes de travail pour gagner des affaires. C’est comprendre en profondeur les douleurs business des décideurs métiers – et donc parler à ces décideurs. C’est aussi s’organiser pour imaginer des solutions plus créatives et de nouveaux business modèles.
Mais qui doit donner cette impulsion vers le changement ? C’est au directeur commercial ?
Oui très certainement, mais je pense que c’est aussi et surtout une affaire de DG parce que toutes les fonctions sont touchées. Par exemple, la R&D ou le marketing stratégique imaginent les solutions mais c’est la finance qui imagine des nouveaux business modèles. En fait devenir Vente Complexe est le résultat de nouveaux systèmes de pilotage, de reconnaissance et de travail collectif. C’est donc une affaire de DG.
On a bien compris votre message sur la nécessité de changer mais alors concrètement : comment changer ?
D’abord, pour réussir ce changement, il faut avoir des convictions claires sur la Vente Complexe. Notre ambition avec ce livre est de créer ces convictions - ce que personne n’a jamais appris. Ce n’est pas dans les écoles de commerce que l’on n’apprend la vente ! Ensuite, il faut faire un diagnostic de la situation de votre entreprise sur ce sujet avec cette question : « Doit-elle changer ? ». Après, il faut sans doute acquérir de nouvelles compétences pour repositionner vos forces commerciales : leur apprendre à être des conseillers de leurs clients et apporteurs d’idées ; Enfin, et très probablement, il faut lancer un projet de changement de votre Monde commercial."
Bruno Jourdan, Améliorer la performance commerciale B to B, une vidéo Xerfi Canal TV
Publié le lundi 1 juin 2015 . 5 min. 07
D'APRÈS LE LIVRE :
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