L’évolution du marché pétrolier sur longue période à l’aune de la production, de la consommation et des prix met à mal certaines idées reçues.
Le peak oil, un plateau plus qu’une courbe en cloche
Côté production, la théorie du peak oil, où la production mondiale doit plafonner avant d’irrémédiablement décliner, a été balayée par les faits. Très en vogue à la fin des années 60, la date butoir première version se situait autour des années 2000. Il n’en a rien été. Un simple décalage pour les tenants de cette doctrine revenue à la mode peu avant la grande récession de 2008 quand l’offre plafonnait et les prix flambaient. Dix ans après, il n’en est toujours rien avec quasiment 85 millions de barils produits par jour, c’est 57% de plus par rapport au milieu des années 70. Le développement du pétrole non-conventionnel et l’amélioration des techniques d’exploration-extraction ont sans cesse repoussé les limites. Si bien que les réserves prouvées enflent. L’ensemble des quantités de pétrole que l'on est sûrs de pouvoir extraire (à au moins 90%) sont à un pic depuis plusieurs années à plus de 1 700 milliards de barils : c’est 2,5 fois plus qu’au début des années 80.
Ce chiffre n’est pas très parlant, mais il l’est davantage exprimé en année de consommation. Même ainsi calculé, pas de pic pétrolier à l’horizon : les réserves prouvées représentent un peu moins de 50 années de consommation et le peak oil ressemble plus à un plateau qu’à une courbe en cloche.
L’influence de l’Opep s’effiloche
Cette montée globale de la production s’est accompagnée d’un glissement de la géographie des principaux pays producteurs. Toute puissante au début des années 70, l’OPEP devait régner. Or, son influence s’est effilochée : l’OPEP, c’était plus d’un baril sur deux au début des années 70, contre moins de 41% aujourd’hui malgré son élargissement. En face, les États-Unis ont signé leur grand retour. Redevenus premier producteur mondial, ils regagnent rapidement des parts des marchés depuis 2009. Avec le Canada (4ème producteur), la part de l’Amérique du Nord dans l’offre mondiale s’élève désormais à près de 20%, retrouvant les sommets du milieu des années 80.
Autre grand retour, celui de la Russie. Après la chute de l’Union soviétique, la production de pétrole russe s’est effondrée de près d’un tiers pour rebondir de 84% depuis le début des années 2000. A près de 11 millions de barils jours, la Russie se classe au 3ème rang des pays producteurs. A l’opposé, la production européenne portée par le Royaume-Uni et la Norvège, qui a culminé à 10% de l’offre mondiale au tournant des années 90-2000, se marginalise avec l'épuisement des champs de la mer du Nord.
Bascule des lieux de consommation vers les Émergents
Côte consommation, on observe une grande rupture géographique, celle de la bascule entre les pays avancés et le monde émergent, principalement venu d’Asie. Il y a d’un côté le ralentissement de la demande des vieilles économies avancées. Rien de plus normal, la croissance en tendance s’y est affaiblie, l’efficacité énergétique s’est accrue et son intensité énergétique est dès lors de moins en moins forte. En face, la consommation des émergents, principalement en Asie, explose sous l’impact de l’industrialisation forcenée d’une superpuissance, la Chine. Bilan : alors que les Etats-Unis, l’Europe et le Japon représentaient près de 70% de la demande mondiale au début des années 70, leur part est tombée à moins de 40%. L’Asie émergente, elle, est passée d’à peine plus de 5% à quasiment 30. Avec deux fers de lance, l’Empire du Milieu, devenu le 2ème plus gros consommateur avec une vive accélération de sa demande à partir de son adhésion à l’OMC fin 2001, mais aussi de plus en plus l’Inde.
Des prix plutôt raisonnables
Reste les prix. De prime abord, le prix d’équilibre est plus élevé aujourd’hui qu’hier. Alors que l’offre suit sans peine la demande, il est aujourd’hui d’environ 70 dollars le baril contre à peine plus de 10 dollars lors du 1er choc pétrolier et 40 lors du second. Mais c’est oublier qu’un dollar de 2018 vaut moins cher qu’un dollar de 1980. Bref, il faut passer en prix réels, c’est à dire corriger le prix du baril de l’inflation. Ainsi redressé, ce n’est plus le même tableau. Et si le sommet de 1980 a été dépassé deux fois, les prix ont bien reflué depuis.
Théorie du peak oil infirmée, glissement géographique des lieux de production avec perte d’influence de l’OPEP au profit de l’Amérique du Nord et de la Russie, bascule des lieux de consommation vers les pays émergents d’Asie et prix finalement raisonnables sont 4 tendances fortes du marché pétrolier.
Publié le lundi 24 juin 2019 . 4 min. 42
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d'Alexandre Mirlicourtois
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