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Quand la richesse ne ruisselle pas mais aggrave les pénuries : le marché immobilier en offre une illustration criante. Les chiffres sont saisissants : les Français multipropriétaires, qui représentent à peine le quart de ménages vivant en France, possèdent plus des 2/3 du parc de logements détenus par les particuliers. Et si l’on restreint l’analyse aux seuls propriétaires de 3 logements ou plus (soit seulement 11% des ménages) c’est près de la moitié du parc dont ils disposent, un peu plus de 4 fois leur part dans la population.


C’est de la concentration à haute dose, mais ces chiffres aussi impressionnants soient-ils ne sont pourtant qu’une moyenne nationale. Or le patrimoine est aussi géographiquement très concentré. Ainsi, les détenteurs de cinq logements ou plus monopolisent 40 % des logements situés à Paris. Dans l’hyper centre, cette part atteint 60 %.


Idem dans les autres métropoles françaises, où le patrimoine est très concentré dans les quartiers denses et anciens sur la Presqu’île, les pentes de la Croix-Rousse et le quartier Fourvière à Lyon, dans les quartiers de Belsunce et de Noailles à Marseille, autour du Capitole, de la basilique Saint-Sernin et du quartier des Carmes à Toulouse, etc.


Et, compte tenu de la dynamique des prix ces dernières années tout laisse à croire que le mouvement se renforce tant la prime aux prioritaires déjà en place est gigantesque pour continuer d’investir dans la pierre dans une logique d’accumulation patrimoniale alors que la primo-accession est, elle, de plus en plus difficile. Cette tendance à la concentration accompagne deux tendances de fond qui pèsent sur l’offre de logements immédiatement disponibles à des prix abordables (que ce soit à l’achat ou à la location de longue durée). La multipropriété s’est d’abord développée de concert avec le marché de la résidence secondaire qui avec plus de 3,6 millions d’unités représente désormais un logement sur dix. Déjà dynamique avant la crise, la demande pour cette catégorie de biens s’est retrouvée renforcée avec la pandémie. Normandie, Bretagne, Pays Basque, Occitanie sont notamment très prisés.


C’est typique de ce marché spatialement très déséquilibré : près de six résidences secondaires sur dix se trouvent sur les littoraux ou en montagne. Cette concentration sur une frange limitée du territoire pose problème car elle déstabilise les marchés immobiliers locaux : soit en mettant la pression sur les prix du foncier lorsqu’il s’agit de construction neuve, soit sur le prix des biens déjà construits. Et quand, il s’agit d’une transaction avec un changement de destination, c’est-à-dire la transformation d’une résidence principale en résidence secondaire ou occasionnelle, c’est un asséchement de l’offre d’habitation locale que cela entraîne.
Pour certains habitants historiques la pression est trop forte et les chasse de leurs lieux d’activité. Autre tendance qui va dans ce sens, le nombre de logements inoccupés, s’élève aussi et plus rapidement encore : +55% en à peine plus de 15 ans. Logements vacants et résidence secondaires représentent 18% du parc de logements, soit près d’une habitation sur 5.
L’autre transformation majeure se situe au sein de la gestion locative avec le déferlement de la location touristique via les principales plateformes. Des particuliers se sont engouffrés dans ce type d’investissement. Si aucune étude exhaustive sur l’ensemble du territoire n’a été menée, certains éléments parcellaires permettent d’en prendre la mesure. Ainsi, l’Institut Paris Région confirme l’explosion spectaculaire de ce phénomène à Paris et dans sa région. Entre 2011, date d’arrivée d’Airbnb en France, et 2019, avant la pandémie, l’offre est, passée de 20 000 à 88 000 appartements rien qu’à Paris.


De même, entre 2011 et 2017, alors que le nombre total de logements a augmenté de 26 700 unités dans la capitale, le nombre de résidences principales a connu de son côté une chute de 23 900 au profit donc des logements hors résidences principales qui progressent de 50 600.


L’étude estime que 40% de la baisse du nombre de résidences principales est imputable à la location touristique qui capte, désormais, 6% des logements parisiens, une proportion qui grimpe à 18% dans le 2e arrondissement par exemple. Avec le renforcement de la multipropriété, l’emprise des résidences secondaires et des logements vacants sur le parc de logements s’est renforcée sur une partie du territoire. L’offre locative de longue durée est de plus en plus phagocytée par les locations touristiques, exerçant une pression à la hausse sur les loyers et les déconnectant des revenus des habitants permanents. Les manifestations en Bretagne, dans le pays Basque, en Loire Atlantique sont autant de révélateurs de ces tendances.


Publié le jeudi 09 décembre 2021 . 4 min. 14

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