Les enfants réussissent-ils mieux que leurs parents ? Cette interrogation classique des analyses sur la mobilité sociale, se double d’une autre quand s’il s’agit des enfants d’immigrés : font-ils mieux ou moins bien que les natifs ? Ces deux questions se posent avec d’autant plus d’acuité que la France compte plus de descendants d’immigrés que d’immigrés. En 2021, 11,2% de la population française soit 7,3 millions de personnes sont des descendants d’immigrés de 2ème génération. Nés en France, ils n’ont pas connu eux même l’immigration, mais au moins un de leurs parents est-lui-même immigré. Il faut ajouter les descendants d’immigrés de 3ème génération, c’est-à-dire de personnes ayant au moins un grand parent immigré, ce qui fait grimper le chiffre global à 12,5 millions de personnes environ, soit près d’1 habitant sur 5 vivants en France.
Le projet migratoire visant souvent à améliorer son propre sort ainsi que celui de ses descendants, les trajectoires scolaires donnent des premières informations sur l’ascension sociale des descendants d’immigrés. Le principal enseignement est la forte élévation du niveau du diplôme des personnes concernées dès la 2ème génération : 33% des enfants d’immigrés ont un diplôme du supérieur tandis que 5% seulement de leurs parents ont atteint un tel niveau. Cela signifie que l’on passe d’un rapport de 1 à 20 à 1 à 3. C’est certes encore éloigné des performances des natifs qui comptabilisent 43% de diplômés du supérieur, mais dès la 3ème génération l’écart s’est totalement comblé vis-à-vis des autochtones. Bref, deux générations suffisent pour effacer les inégalités de niveaux.
Et pour cause, les parents immigrés ont consenti des sacrifices, pris des risques et attendent de leurs enfants qu’ils fassent, en retour, les efforts nécessaires pour s’élever dans la société, la réussite scolaire faisant figure de tremplin indispensable. A l’inverse, les parents d’origine française des milieux les moins favorisés ont parfois eu un parcours scolaire difficile et ne fondent pas beaucoup d’espoir sur les chances de réussite de leurs enfants. D’ailleurs, le taux de « mobilité éducative » bien compris comme étant la progression effectuée depuis la génération précédente montre que ce sont les enfants d’immigrés qui parcourent la distance la plus importante : près des trois-quarts obtiennent un niveau supérieur à celui de leurs parents contre un peu plus de 55% pour les natifs, avec cette précision toutefois, les parents immigrés ont un niveau scolaire initial moins élevé.
Cette vision générale masque toutefois des trajectoires scolaires qui apparaissent 1- comme genrées et 2- très différenciées selon les origines géographiques. Les filles, d’où que viennent leurs parents, ont d’abord un taux de réussite scolaire nettement supérieur à celui des garçons : le taux de bachelière se situe entre 22 et 4 points au-dessus de celui du taux de bachelier, l’écart étant très marqué pour les filles d’immigrés d’Afrique subsaharienne et du Maghreb.
Autre, point saillant, le taux de réussite au baccalauréat pour une classe d’âge varie de 89% pour les enfants d’immigrés asiatiques, c’est plus que pour les natifs, pour descendre à 70% environ pour les élèves d’origine turque ou maghrébine.
Ces chiffres bruts ne restituent toutefois pas totalement la réalité de la réussite scolaire des descendants d’immigrés. Selon que leurs parents soient immigrés ou non, les enfants ne vivent pas dans les mêmes milieux sociaux et ne sont donc pas égaux face à l’école. En gommant cet effet et en prenant pour point de référence la réussite des garçons au baccalauréat dont les parent sont nés en France, les jeunes hommes de parents nés en Afrique subsaharienne ont 1,1 fois plus de chance de réussite, ceux d’origine maghrébine 1,4 jusqu’à 5 fois pour ceux d’origine asiatique et les écarts se creusent plus encore par rapport aux filles. Bref, toute chose égale par ailleurs, les descendants d’immigrés réussissent mieux. L’analyse par filière nuance un peu le propos, avec une surreprésentation de certaines origines dans les séries de bacs professionnels, mais cela ne modifie pas le constat global. Cette « ascension » scolaire se retrouve en partie dans l’ascension « sociale » de la 2ème génération. Si les descendants d’immigrés viennent en moyenne de milieux plus modestes, la mobilité sociale entre générations est plus fréquente pour eux que pour les personnes sans ascendance migratoire, notamment pour ceux et celles dont les deux parents sont immigrées et, in fine, leur situation est plus proche de celle des personnes sans lien avec l’immigration que de celle des immigrés. Taux d’activité plus élevé que leurs parents, structure d’emploi voisine des natifs permettent d’assurer une certaine convergence des conditions de vie entre descendant d’immigré et population autochtone.
Deux témoins. D’abord, le niveau de vie médian des descendants d’immigrés. A 19 970 euros, il est supérieur de 17% à celui des immigrés tout en restant inférieur de 13% à celui des personnes sans ascendance migratoire. Ensuite, le taux de pauvreté de la 2ème génération se situe à mi-chemin entre celui des immigrés et des natifs.
Les inégalités sociales ne disparaissent donc pas totalement, mais une chose est sûre, c’est par la mobilité éducative que vient l’ascension sociale des descendants d’immigrés.
Publié le vendredi 14 avril 2023 . 5 min. 19
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