Habituée à être la locomotive de la zone euro, l’économie allemande est devenue depuis début 2018 l’un de ses derniers wagons : sa croissance est devenue plus faible que celles de ses voisins et la prévision pour 2019 ressort à un maigre 0,7% contre 1,3% pour le reste de la zone euro. Ce décrochage n’est pas conjoncturel, mais plutôt le signe précurseur de la fin d’un modèle. Un modèle entièrement tourné vers l’insertion de l’industrie manufacturière allemande dans les grandes chaines de production mondialisées, un modèle basé sur le « tout-export » mais aussi un certain cynisme vis-à-vis des partenaires européens qui ont été vidés en partie de leur substrat industriel.
Une violente rupture industrielle
Au cœur de la panne allemande, il y a donc une violente rupture industrielle : la production manufacturière plonge depuis près d’un an et l’activité est redescendue à un niveau comparable à celui de 2008. L’affaissement du moteur des exportations est pointé comme étant le premier coupable. Des exportations en baisse depuis plusieurs mois dont le niveau stagne en rupture avec la tendance qui se dégageait depuis près de 10 ans. Il est aisé de dérouler la multiplicité des causes abondamment commentées : le durcissement de la guerre commerciale initiée par Donald Trump, avec pour effet collatéral le fort ralentissement de la Chine, marché majeur pour les industriels allemands. Enfin, il y a le dévissage du marché britannique avec la montée des incertitudes entourant les conditions du Brexit.
Ces éléments contribuent sans conteste à la faiblesse actuelle des exportations allemandes mais il faut les dépasser car le mal est bien plus profond. Le succès du « made in Germany » c’est, outre les avantages coûts issus de l’économie de bazar et hors-coûts issus d’un positionnement haut de gamme, une spécialisation dans les secteurs porteurs des biens d’équipement que ce soient la machine-outil ou les équipements de l’industrie lourde (chimie, sidérurgie) ainsi que l’automobile. Les pays émergents, Chine en tête, qui entamaient leur cycle d’industrialisation se sont massivement équipés de ces produits et les 10% les plus riches de leur population d’autos allemandes, marqueur social par excellence.
Une concurrence de plus en plus rude pour les industriels allemands
Or les principaux marchés automobiles sont en recul : c’est le cas de grands pays émergents comme l’Inde et la Chine. Au-delà de facteurs techniques comme la mise en place de quotas en Chine, c’est aussi la marque que l’essor de la classe moyenne et aisée dans ces pays est plus chaotique qu’anticipé. La tendance n’est en outre pas mieux orientée en Europe ni même aux Etats-Unis, marquant, au-delà des raisons conjoncturelles, la difficulté des constructeurs à relever le défi de l’électrique. Ironie de l’histoire, les industriels allemands se font également de plus en plus concurrencés un peu partout dans le monde par des productions venues de pays qu’ils ont eux-mêmes contribué à industrialiser.
Mais il faut pousser un plus loin l’analyse, car il y a un certain hiatus entre l’importance du ralentissement industriel et ce que l’on connaît de la dynamique des marchés à l’exportation allemands. Le coup de frein n’est bien palpable que depuis avril pour ces derniers et ne fait pas encore totalement tendance. Ce décalage peut simplement vouloir dire qu’il a été largement anticipé et aggravé aussi, on le sait, par des facteurs techniques. Mais il peut vouloir dire aussi que le mal est plus diffus, touchant d’autres composantes de la demande, comme le surligne le plongeon des commandes intérieures depuis 2018. Certes les commandes étrangères se contractent aussi mais on est loin de l’hécatombe enregistrée du côté intérieur. Le mal est profond et interroge sur l’essoufflement du modèle productif allemand.
Face à cet affaissement de ses positions dominantes, l’Allemagne dispose bien-sûr d’un sérieux atout : son trésor de guerre accumulé depuis le début des années 2000. Rien qu’en 2018, l’excédent courant allemand a dépassé 250 milliards d’euros l’équivalent de 7,5% du PIB. Il y a là de quoi réinventer un modèle plus axé sur le marché intérieur, un basculement vers la consommation et surtout l’investissement public qui a été délaissé. Mais pour cela, il faudrait que l’Allemagne se décide à recycler une partie de son épargne en interne au lieu que les capitaux prennent le grand large. Autrement dit, que le gouvernement allemand change radicalement de ligne concernant sa politique d’investissement public et d’équilibre budgétaire. Le risque sinon c’est de voir l’Allemagne subir l’obsolescence de ce qui fera office de vieil empire industriel. Il ne faut pas s’en réjouir car si l’économie allemande est à l’arrêt c’est toute l’Europe qui freine.
Une violente rupture industrielle
Au cœur de la panne allemande, il y a donc une violente rupture industrielle : la production manufacturière plonge depuis près d’un an et l’activité est redescendue à un niveau comparable à celui de 2008. L’affaissement du moteur des exportations est pointé comme étant le premier coupable. Des exportations en baisse depuis plusieurs mois dont le niveau stagne en rupture avec la tendance qui se dégageait depuis près de 10 ans. Il est aisé de dérouler la multiplicité des causes abondamment commentées : le durcissement de la guerre commerciale initiée par Donald Trump, avec pour effet collatéral le fort ralentissement de la Chine, marché majeur pour les industriels allemands. Enfin, il y a le dévissage du marché britannique avec la montée des incertitudes entourant les conditions du Brexit.
Ces éléments contribuent sans conteste à la faiblesse actuelle des exportations allemandes mais il faut les dépasser car le mal est bien plus profond. Le succès du « made in Germany » c’est, outre les avantages coûts issus de l’économie de bazar et hors-coûts issus d’un positionnement haut de gamme, une spécialisation dans les secteurs porteurs des biens d’équipement que ce soient la machine-outil ou les équipements de l’industrie lourde (chimie, sidérurgie) ainsi que l’automobile. Les pays émergents, Chine en tête, qui entamaient leur cycle d’industrialisation se sont massivement équipés de ces produits et les 10% les plus riches de leur population d’autos allemandes, marqueur social par excellence.
Une concurrence de plus en plus rude pour les industriels allemands
Or les principaux marchés automobiles sont en recul : c’est le cas de grands pays émergents comme l’Inde et la Chine. Au-delà de facteurs techniques comme la mise en place de quotas en Chine, c’est aussi la marque que l’essor de la classe moyenne et aisée dans ces pays est plus chaotique qu’anticipé. La tendance n’est en outre pas mieux orientée en Europe ni même aux Etats-Unis, marquant, au-delà des raisons conjoncturelles, la difficulté des constructeurs à relever le défi de l’électrique. Ironie de l’histoire, les industriels allemands se font également de plus en plus concurrencés un peu partout dans le monde par des productions venues de pays qu’ils ont eux-mêmes contribué à industrialiser.
Mais il faut pousser un plus loin l’analyse, car il y a un certain hiatus entre l’importance du ralentissement industriel et ce que l’on connaît de la dynamique des marchés à l’exportation allemands. Le coup de frein n’est bien palpable que depuis avril pour ces derniers et ne fait pas encore totalement tendance. Ce décalage peut simplement vouloir dire qu’il a été largement anticipé et aggravé aussi, on le sait, par des facteurs techniques. Mais il peut vouloir dire aussi que le mal est plus diffus, touchant d’autres composantes de la demande, comme le surligne le plongeon des commandes intérieures depuis 2018. Certes les commandes étrangères se contractent aussi mais on est loin de l’hécatombe enregistrée du côté intérieur. Le mal est profond et interroge sur l’essoufflement du modèle productif allemand.
Face à cet affaissement de ses positions dominantes, l’Allemagne dispose bien-sûr d’un sérieux atout : son trésor de guerre accumulé depuis le début des années 2000. Rien qu’en 2018, l’excédent courant allemand a dépassé 250 milliards d’euros l’équivalent de 7,5% du PIB. Il y a là de quoi réinventer un modèle plus axé sur le marché intérieur, un basculement vers la consommation et surtout l’investissement public qui a été délaissé. Mais pour cela, il faudrait que l’Allemagne se décide à recycler une partie de son épargne en interne au lieu que les capitaux prennent le grand large. Autrement dit, que le gouvernement allemand change radicalement de ligne concernant sa politique d’investissement public et d’équilibre budgétaire. Le risque sinon c’est de voir l’Allemagne subir l’obsolescence de ce qui fera office de vieil empire industriel. Il ne faut pas s’en réjouir car si l’économie allemande est à l’arrêt c’est toute l’Europe qui freine.
Publié le lundi 09 septembre 2019 . 4 min. 53
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