Rendue nécessaire par l’inefficacité de la vaccination, la politique zéro Covid en Chine est un tel fiasco qu’elle débouche maintenant sur un mouvement inédit de contestation. Cette crise, la plus importante que Xi Jinping ait à gérer depuis son arrivée au pouvoir en 2013, couvre 4 dimensions : elle est à la fois sanitaire, économique, sociale et politique.
La croissance fait défaut
Économiquement, la Chine est malmenée. La croissance fait défaut et les indices PMI (indices des directeurs d'achat) qui donnent le « la » de la conjoncture s’inscrivent sur une trajectoire descendante et sont nettement passés sous la barre des 50, frontière qui délimite les zones d’expansion et de contraction de l’activité. L’industrie manufacturière comme le reste de l’économie sont pris dans le même mouvement.
Côté entreprises le malaise est général, mais il est plus marqué encore côté ménages. Jamais le climat de confiance n’a sombré aussi bas depuis plus d’un quart de siècle, date du début de la série. La défiance est totale et s’explique par la flambée de colère liée à la politique de plus en plus restrictive des autorités, mais aussi par la dégradation des conditions économiques. Le taux de chômage principalement chez des 16-24 ans a flambé jusqu’à quasiment atteindre 20% en juillet dernier. Son reflux depuis est très limité et nombre de jeunes se retrouvent sans emplois. :
- Des géants de la Tech chinoise, notamment, licencient massivement.
- Alibaba spécialiste du e-commerce a ainsi remercié près de 10 000 salariés entre le 1er et le 2e trimestre dernier, soit environ 4% de ses effectifs.
- Tencent, spécialiste des services internet et mobiles, a supprimé pour sa part environ 5 500 postes.
- Même Huawei a annoncé une vague de départ, la première de son histoire.
L’immobilier-construction en berne
D’autres industries sont encore plus mal en point, c’est le cas de l’immobilier-construction. Signe de son craquement, l’investissement dans le secteur du résidentiel se contracte violemment depuis le début de l’année sans aucun espoir d’un rebond à court terme comme le dévoile la chute du climat des affaires dans le secteur. Les prix ne résistent évidemment pas, en repli de près de 3% sur un an sur le marché de l’ancien et d’un peu moins de 1,5% dans le neuf en octobre dernier. Il faut bien prendre la pleine mesure des effets en chaîne de l’enfoncement de cette filière. Encouragé par les autorités, l’immobilier-construction a été l’un des leviers actionnés pour atteindre les objectifs de croissance et est devenu un poids lourd de l’économie, plus particulièrement si lui sont intégrés les secteurs amont et aval liés. Le bureau national de recherche économique aux États-Unis estime ainsi sa part à près de 30% du PIB, c’est plus qu’Espagne et bien plus encore qu’aux États-Unis avant la crise de 2008.
Les dégâts ne s’arrêtent cependant pas aux seules conséquences sur la croissance. Faute de filets de protection et afin de préparer leur retraite, les ménages chinois épargnent beaucoup et l’immobilier demeure LE placement favori pour compléter leurs maigres pensions. Cela a entraîné une véritable frénésie immobilière, les promoteurs construisant à tout-va sans toujours se soucier de la localisation des biens et pour certains faisant même des investissements très hasardeux avec les avances de leurs clients. Or, la crise de la Covid-19 a agi comme un détonateur en provoquant la chute de la demande à l’achat comme à la location. Certains se retrouvent avec un bien sans locataire et des prix en baisse, d’autres se voient contraints de continuer à rembourser leurs emprunts alors que le constructeur est dans l’incapacité de livrer leur logement.
Les bonnes performances du commerce extérieur
L’environnement général n’est assurément pas propice à la consommation et l’activité en volume dans l’ensemble du commerce de détail et de la restauration recule sans discontinuer depuis mars 2022. Et c’est bien parce que la demande domestique est écrasée, que la pression est mise sur les salaires, que l’inflation sous-jacente (hors prix volatils et administrés) est aussi basse.
Il faut aller voir du côté des chiffres du commerce extérieur pour trouver des bonnes nouvelles. La Chine a en effet engrangé plus de 700 milliards de dollars d’excédent sur les 10 premiers mois de l’année 2022, c’est près de 200 de plus qu’en 2021 et le record de 2015 est pulvérisé avec ce bémol toutefois : si en début d’année le dynamisme des exportations participait aux bonnes performances extérieures, c’est plus aujourd’hui le tassement des imports en liaison avec la faiblesse de la demande intérieure qui y contribue le plus. La perturbation des chaînes de production et de la logistique deviennent de fait de plus en plus handicapantes.
Croissance en baisse, chômage en hausse, immobilier en berne : trois ans après le début de la pandémie, l’économie chinoise accuse le coup, bien loin des discours triomphants qui avaient suivi l’immédiate sortie de crise de la Covid-19.
Publié le mardi 6 décembre 2022 . 4 min. 54
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d'Alexandre Mirlicourtois
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