Les consommateurs chinois ne souffrent visiblement pas trop de la hausse des prix. Avec une inflation limitée à 2% environ, la Chine semble en effet à l’abri de la principale menace qui pèse sur la croissance mondiale.
Des éléments modérateurs
Pourtant, le spectre de l’inflation est bel et bien là et si le pays semble avoir jugulé jusqu’à présent la hausse des prix, c’est en partie pour une raison de circonstance liée au contrecoup de la flambée provoquée par la fièvre porcine sur les prix alimentaires. Les conséquences de l’épizootie sur le cheptel effacées, les prix sont redescendus à des niveaux standards et ont grandement contribué à modérer l’inflation générale ces derniers mois. Mais cette parenthèse est désormais refermée.
Autre élément modérateur, les loyers… mais ils ne sont que la traduction d’un secteur immobilier en difficultés, fruit d’une folie immobilière qui a conduit à un taux de vacances record de 1 logement sur 5. Un secteur de l’immobilier-construction (qui pèsent plus du quart du PIB) maintenu à bout de bras par les autorités, malgré leur volonté de ne plus en faire un outil de relance économique. Mais elles n’ont pas d’autres choix face à la défaillance des autres composants de la demande domestique. Déjà de nombreux projets d’infrastructures ont été annoncés et la Banque Populaire de Chine a abaissé en mai dernier son taux préférentiel de prêt à 5 ans, qui constitue la référence pour les prêts hypothécaires, de 15 points de base à 4,45%.
Un assouplissement à rebours des décisions de moins en moins accommodantes des grandes banques centrales dans le monde qui met la pression sur le yuan d’autant que les investisseurs étaient déjà échaudés par l’intervention croissante de l’État dans le fonctionnement d’entreprises privées, notamment des technologies, avait commencé à se retirer. Une monnaie chinoise qui a cédé près de 5% de sa valeur face au dollar depuis la mi-avril, ce qui renchérit le coût des importations, notamment des matières premières dont la Chine dépend, alimente l’inflation importée, pèse sur le pouvoir d’achat, ce qui freine la consommation des ménages.
À quoi s’ajoute l’échec de la stratégie zéro Covid qui pousse à maintenir ponctuellement sous cloche des parties du territoire. Ces restrictions sanitaires ont fait plonger les ventes de détail quasiment retombées à leurs plus bas niveaux depuis début 2020. Compte tenu de la contagiosité des nouveaux variants et du faible taux de vaccination, notamment des personnes âgées de plus de 60 ans, de nouveaux confinements sont probables ces prochains mois.
La stratégie de la double circulation en échec
Faiblesse des débouchés domestiques, épée de Damoclès liée à la pandémie, les entreprises ajustent leurs investissements. Et c’est bien là tout l’échec de la stratégie de Xi Jinping de la double circulation, visant à la fois à stimuler le commerce extérieur et le marché intérieur pour diversifier les risques.
De surcroît, cette demande domestique qui manque de carburant à court terme, qui est empêchée en raison des poussées épidémiques, est également structurellement plombée. Au ralentissement du développent de la classe moyenne, se pose le problème du vieillissement démographique conjugué à la faiblesse du système de retraite et de santé. Au-delà même de la part des plus des 65 ans qui représentaient à peine plus de 7% de la population en 2005, 12% aujourd’hui et près du quart demain, le regard doit se porter à court terme sur la classe d’âge des 50-60 ans, celle qui approche du retrait de la vie active et qui se voit contrainte d’épargner beaucoup en prévision de la leur maigre retraite et des dépenses de santé à venir en hausse.
À plus long terme, le recul de la population en âge de travailler va se traduire par une réduction de la capacité du pays à créer de la croissance, car les gains de productivité ne compensent pas la baisse de la population active. D’autant qu’avec la fin de la modernisation des entreprises, le filon du rattrapage de la productivité s’épuise. Enfin, il y a le coût de la transition énergétique voulue par Pékin.
Finalement, l’économie chinoise ne marche déjà plus que sur une jambe, celle des exportations. Au moment où la demande en provenance du reste du monde est devenue chancelante où les prévisions de croissance des pays avancés, principaux débouchés des industriels chinois, ne cessent d’être revues à la baisse, c’est bien le deuxième moteur de la croissance chinoise qui va connaître à son tour des ratés.
La Chine est confrontée à de multiples vents contraires à 6% environ, le taux de chômage est proche du record absolu et confirme que le pays enregistre ses pires performances économiques depuis deux ans. Des résultats qui mettent non en péril l’objectif de Pékin d’une croissance à 5,5% cette année, mais qui sonnent surtout plus durablement le glas du régime d’hypercroissance, d’un « pays qui sera vieux avant d’être riche », comme le soulignait un récent papier de l’IFRI.
Publié le mardi 28 juin 2022 . 4 min. 33
Les dernières vidéos
Économie mondiale
Les dernières vidéos
d'Alexandre Mirlicourtois
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES