Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur des études de Xerfi
Alors que Jean-Marc Ayrault vient de réviser à 0,3% son hypothèse de croissance pour 2012, cet objectif apparait déjà hors d’atteinte. Le PIB de la France a très probablement reculé au second trimestre, de 0,2% selon les estimations de Xerfi. Pour atteindre 0,3% cette année et 1,2% en 2013, il faudrait que la croissance accélère franchement à partir d’aujourd’hui. Mission impossible avec la priorité absolue accordée au rétablissement accéléré des finances publiques en France comme dans les autres pays européens, et dans un environnement international qui subit le ralentissement général du commerce mondial. L’Europe est en récession, les Etats-Unis ralentissent, les BRIC subissent la panne des pays avancés. Soyons clair : les dispositions du dernier sommet européen à seulement permis d’éviter le scénario catastrophe pour le sud de la zone euro. Quant à l’ambition française de freiner la spirale infernale de l’austérité par un pacte de croissance, ce n’est pour l’heure qu’une victoire à la Pyrrhus. A y regarder de plus près, les fonds nouveaux réellement débloqués pour le pacte de croissance sont plus proches des 15 milliards d’euros que des 120 annoncés. Autant dire une goute d’eau. Le reste n’est qu’habillage, sur la base de redéploiements de fonds structurels déjà programmés, et mise en œuvre d’un effet de levier sur une plus grande capacité de prêts de la Banque européenne d’investissement. Madame Merkel peut être satisfaite. L’Europe du Sud a certes sauvé la face, mais c’est bien sa ligne dure qui triomphe. Il n’y a donc rien à attendre de la demande mondiale, rien à attendre d’une impulsion de la zone euro, bien au contraire. Ce n’est guère mieux sur le front de la demande intérieure de l’hexagone, et notamment sur la consommation des ménages : depuis 3 trimestres déjà le pouvoir d’achat par unité de consommation, celui qui tient compte de la croissance de la population et de la structure des ménages, est en baisse. Et l’INSEE prévoit désormais un recul de 1,2% pour 2012. Du jamais vu depuis 1984. Alors c’est vrai, la consommation n’a pas plié en début d’année. Pourquoi ? Parce que les Français ont puisé dans leurs épargnes… mais c’était avant tout pour se chauffer durant un hiver qui a été exceptionnellement rigoureux. La vraie tendance des dépenses, celle donnée par l’évolution de la consommation en biens manufacturés, livre un tout autre message. Cela fait maintenant 5 mois qu’elle est dans le rouge. Et la donne ne changera pas rapidement. Coté ressources, on sait que les entreprises n’ont plus aucune marge de manœuvre. Il n’y a donc pas grand-chose à espérer de l’évolution des salaires au-delà du petit coup de pouce au SMIC le 1er juillet. Mais dans un environnement aussi anxiogène, une large part sera épargnée. Une propension à l’épargne d’autant plus rapide et forte que chacun se prépare à l’annonce du véritable tour de vis fiscal. La nouvelle tranche d’impôt à 45% et l’imposition à 75% pour les revenus annuels supérieurs à un million d'euros n’est bien entendu qu’un apéritif qui ne pénalisera que quelques milliers de foyers fiscaux. Mais s’il faut trouver d’urgence 33 milliards d’euros pour 2013, il n’y a pas de solution miracle : ce sera soit la CSG, soit la TVA. Faisons le pari de la CSG, puisque le gouvernement ne voudra pas se dédire sur la TVA. En toutes hypothèses, cela nous mène à une consommation globale en repli de 0,2% pour 2012 suivi d’un minuscule rebond de (+0,3) en 2013. Du côté de la dépense publique, la ligne est déjà tracée et parfaitement claire : c’est le serrage de vis. Reste alors le front des entreprises et de leurs dépenses d’équipement. Et là encore, la situation fait froid dans le dos. Après une fin d’année 2011 très dynamique, l’investissement des entreprises a violemment décroché début 2012. Des entreprises tétanisées qui ont déjà subit de plein fouet le coup de frein de l’économie. Un tissu d’entreprises qui a déjà subit 5 années de crise, et dont le risque de défaillance est en train de s’envoler selon notre indicateur Xerfi-Risk, désormais proche du pic atteint lors de la grande récession. Etranglée de l’extérieur, comprimé à l’intérieur, la croissance ne peut qu’étouffer. Selon notre dernier scénario, l’évolution du PIB sera nulle cette année. Et il ne faut guère attendre mieux qu’un petit 0,3% de croissance pour 2013. On est bien loin du compte pour envisager tenir nos engagements en matière de déficit public. La rigueur ne conduit qu’à encore plus de rigueur, à l’écrasement de la croissance et à la spirale infernale de la déflation. Il y a-t-il alors une solution alternative à la grande purge ? De fait, aucune autre politique réaliste n’est possible sans un rythme plus raisonnable de réduction des déficits. Notre tissu productif est trop endommagé pour supporter un remède de cheval. Comment espérer un rebond économique avec autant d’entreprises moribondes ? Il faut bien avouer qu’aucun plan de relance n’est envisageable. Mais il faut d’urgence un plan de soutien pour aider les sociétés les plus fragiles à passer l’automne, puis l’hiver. Mais tout cela ne servira à rien si l’on ne définit pas une vraie stratégie à long terme pour reconstruire la France d’après.
Alexandre Mirlicourtois, Coup de gel sur la croissance : les prévisions France 2012-2013, une vidéo Xerfi Canal
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