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Le marché immobilier serait-il proche de la rupture ? Près d’un dossier sur deux de demande de prêts passant par les intermédiaires (comme les courtiers) est ainsi rejeté depuis le début de l’année selon un récent sondage. Un taux de refus record dont le motif principal est le taux d’usure. Pour comprendre pourquoi il pose problème, il faut se pencher sur son mode de calcul. La Banque de France le détermine chaque trimestre en faisant la moyenne des taux pratiqués par les banques les trois mois précédant puis le majore d’un tiers. Depuis le 1er juillet il est de sorte fixé à 2,57% pour les prêts immobiliers à taux fixe de plus de 20 ans.


Obligation donc est faite au banquier à veiller à ce que le taux annuel effectif global (le TAEG) qui couvre l’ensemble des coûts des crédits (c’est-à-dire le taux nominal proposé par la banque, mais aussi le coût des assurances et garanties obligatoires, les frais de dossiers, et les commissions des intermédiaires) soit inférieur au taux d’usure.


Là où le bât blesse, c’est le contexte actuel de hausse rapide des taux. Le mode de calcul de l’usure continue à tenir compte des taux pratiqués le trimestre précédent et fixe un plafond qui ne correspond plus à la réalité du marché et exclu de facto certains profils à qui il n’est plus possible de sortir un TAEG réglementaire. A cela s’ajoute depuis le 1er janvier dernier, la stricte application des recommandations du Haut Conseil de stabilité financière : taux d’endettement maximum à 35% ; durée d’emprunt ne pouvant excéder 25 ans (27 dans certains cas) et enfin, une marge de flexibilité, c’est-à-dire la possibilité de déroger à ces critères, fixée à 20% des dossiers soumis chaque trimestre. Taux d’usure, normes du HCSF représentent 7 refus sur 10.


Ce sont des freins évidents à l’accès au crédit et ils expliquent en partie le recul de plus de 7% du nombre de prêts accordés au cours du 1er semestre 2022 par rapport à la même période de 2021 et de près de 6% des montants accordés et cette tendance est appelée à se renforcer. Moins de crédits distribués c’est moins de transactions et il faut s’attendre à un recul de l’ordre de 5% des mutations dans l’ancien cette année.


Mais cela serait une erreur de faire porter aux seuls facteurs techniques l’origine du reflux du nombre de prêts accordés. L’évaporation de la demande l’est plus encore. Et pour cause, les ménages sont cernés de tous côtés. Il y a d’abord le retour de l’inflation. En hausse de plus de 6% elle se situe à un pic depuis près de 40 ans. Et comme les revenus ne suivent pas malgré les aides il faut s’attendre à un recul de l’ordre de 1% du pouvoir d’achat cette année sans réel espoir de rattrapage en 2023.
Ce n’est évidemment pas un contexte favorable à un achat aussi engageant que celui d’un logement d’autant plus que les inquiétudes sur la croissance et la remontée du chômage se font plus pressantes et pèsent sur le moral des ménages. Plus d’inflation, c’est aussi un casse-tête pour la BCE tiraillée entre le risque de krach majeur que provoquerait une action trop brutale et celui d’un emballement incontrôlé des anticipations d’inflation en cas de réaction trop molle de sa part.


Dans ce contexte, la Banque centrale européenne a annoncé le 21 juillet dernier un relèvement de son taux directeur, le 1er depuis 11 ans, d’un demi-point et d’autres sont prévus d’ici la fin de l’année selon le niveau atteint par les prix. C’est la fin de l’argent gratuit et cela contribue à faire remonter les taux des OAT à 10 ans sur lesquels taux des crédits hypothécaires proposés aux particuliers sont indexés. Certes la remontée de ces derniers est freinée par le taux d’usure mais la hausse est chaque mois plus rapide. Quant à la durée des prêts à 244 mois, elle se situe à un niveau record. Cela permet de réduire l’impact de l’augmentation des taux et des prix mais à plus de 20 ans en moyenne les marges de manœuvre sont devenues quasi-inexistantes ou presque.


Le cocktail baisse des taux et allongement de la durée des prêts qui avait permis aux ménages d’encaisser l’embardée des prix qui a propulsé le coût d’achat d’un logement à près de 5 années de revenus n’opère plus. Bien entendu une modification de la règle de calcul du taux d’usure, un assouplissement des règles prudentielles donneraient une bouffée d’oxygène au marché mais ça ne serait pas suffisant pour inverser la tendance de fond. Les volumes se contractent et les prix suivront. Pas immédiatement surtout compte tenu de l’élan pris en début d’année. Ils seront encore en hausse d’un peu plus de 5% en moyenne cette année selon notre scenario.


En revanche, ils plieront en 2023 de 3%. C’est un moindre mal, mais il suffira d’une étincelle, comme une remontée plus brutale encore des taux, pour que cette dégradation ne se transforme en véritable krach.


Publié le mardi 30 août 2022 . 4 min. 50

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