Sans le bouclier de l’euro, la crise de la COVID-19 aurait été la crise de trop pour l’Italie. La lire se serait effondrée, les taux souverains auraient flambé avec au bout du chemin le spectre d’un défaut de paiement, un effondrement de l’économie et une grave crise sociale. Un destin à l’Argentine en quelque sorte.
Les marchés ne sont pas inquiets
Là, rien de tel. Les taux à 10 ans restent bas et même bien plus bas que lors de la grande récession où ils avaient culminé à plus de 7%. Le spread avec le bund allemand, bon indicateur de la perception du risque par les investisseurs, est faible. Signe que les marchés ne sont pas inquiets quant à la capacité du pays de faire face à ses échéances.
Et pour cause, c’est le premier bénéficiaire du plan de relance européen annoncé en juin et couvrant les années 2021-2023. Des 750 Md€ mobilisés par l’Union européenne, plus de 190 sont destinés à l’Italie, l’équivalent de 12% de son PIB, dont 65 Md€ sous la forme de subventions et l’autre partie sous forme de prêts. Et il faudra bien ça ! Avant de la crise de la COVID-19, l’Italie c’était l’homme malade de la zone euro : de 2007, soit un an avant la grande récession, à 2019, le PIB italien a reculé de 4%. C’est le seul cas de figure en Europe avec la Grèce et la comparaison avec les 4 autres économies majeures de la zone euro est douloureuse.
Productivité : l’Italie incapable d’investir suffisamment
Ce déclin de l’économie italienne, c’est d’abord celui de son industrie manufacturière dont la valeur ajoutée générée a chuté de plus de 8% sur les 12 dernières années, quand les autres branches limitaient la casse, avec un recul inférieur à 2%.
En cause la productivité : elle plafonne depuis plus de 15 ans. L’Italie est incapable de procéder aux investissements nécessaires pour inverser la tendance et s’est faite débordée par l’Allemagne alors qu’elle faisait jeu égal jusqu’au début des années 90. Car si les dévaluations à répétition de la lire ont longtemps été une arme de compétitivité, l’entrée dans l’euro a mis fin à ce jeu : le cycle inflation-dévaluation pour combiner le pouvoir d’achat et la compétitivité. Le tissu de PME, joyau de la production italienne, s’est en partie fait balayer par la concurrence des pays à bas coûts depuis le début des années 2000 avec notamment la déferlante venue d’Asie, et les délocalisations dans les PECO. D’ailleurs, une large partie de l’industrie de la mode et du luxe sous-traite depuis des années dans les pays de l’Est. En 2005, les PECO représentaient à peine plus de la moitié de valeur ajoutée manufacturière italienne. Aujourd’hui, c’est plus de 90%.
La grande récession de 2008-2009 a joué une première fois le rôle d’accélérateur de tendances de fond venant de plus loin et le tissu manufacturier a subi de véritables saignées : un parc d’entreprises réduit de près de 20% avec des pointes à plus de 30% dans le travail du bois ou 25% dans le textile-habillement, secteurs qui connaissent aussi des pertes d’emplois impressionnantes. Dans ce contexte, la crise de la COVID-19 sonne le tocsin pour une économie et un appareil de production en perte de vitesse depuis des décennies. D’autant plus que l’épicentre du premier pic épidémique s’est situé dans le nord de l’Italie, le berceau du « made in Italy ».
L’Italie perd du terrain dans le tourisme
Le tourisme, autre point fort, a également été ballotté, mais plus encore, cela a été le révélateur des faiblesses du pays. L’Italie est en effet le premier pays de la zone euro en matière d’offre hôtelière : avec près de 33 000 établissements, elle devance l’Allemagne, en deuxième position grâce à son tourisme d’affaires, et se situe loin devant la France et l’Espagne. Mais l’avance de l’Italie avec ses structures de petite taille et parfois obsolètes se réduit en termes de nombre de lits avec les autres grands pays touristiques. On retrouve ici l’Italie royaume des PME.
Malgré son patrimoine culturel exceptionnel et les deux formes de tourisme de loisirs (estival et hivernal), l’Italie perd du terrain depuis des années face à la concurrence. Rapporter les recettes au PIB est révélateur : le tourisme c’est en effet 20% du PIB d’une économie monospécialisée comme la Croatie. À l’opposé, le faible poids du tourisme en Allemagne, malgré un grand nombre de lits, est révélateur d’une économie très diversifiée. Quant à l’Italie, seulement en 9e position, le poids du tourisme y est médiocre au regard de son potentiel, faiblesse que partage aussi la France. C’est un signe qui ne trompe pas, la capacité hôtelière de l’Italie a stagné ces dernières années alors que celle des pays concurrents augmente, et parfois de façon spectaculaire comme au Portugal ou à un degré moindre en Croatie.
C’est un bon résumé de la situation de l’Italie. Un pays, bourré d’atouts, mais qui s’est laissé déborder par la concurrence, dont les faiblesses structurelles sont devenues plus évidentes encore avec la crise de la COVID-19. L’Italie ne peut pas s’en sortir sans une solidarité européenne massive. Mais il n’est pas sûr que la mutualisation de la dette et le plan de relance européen, même massivement orienté vers les pays du sud, permettent de redresser une économie aux fondamentaux déjà si fragilisés.
Publié le mardi 08 décembre 2020 . 5 min. 03
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