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Xerfi Canal présente l'analyse d'Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi

Dans les déboires des abattoirs bretons, dont Gad est un cruel exemple, l'Allemagne est clairement montrée du doigt. Outre-Rhin, les entreprises useraient et abuseraient de la directive de 1996 sur les « travailleurs détachés » pour renforcer leur compétitivité. Pour aller à l'essentiel, l'industriel allemand sous-traite dans ses murs la production à une société intermédiaire installée en Europe de l'Est. A charge pour elle de trouver et de rémunérer le personnel en se conformant aux deux grands principes de la directive de 1996 :

1- Celui du droit du pays d'accueil : le travailleur détaché doit être rémunéré aux conditions du pays dans lequel se déroule le contrat Sauf qu'en Allemagne il n'y pas de salaire minimum dans le secteur des abattoirs, donc aucun butoir à la baisse pour les salaires.

2- Deuxième principe, la société prestataire reste assujettie au régime de Sécurité sociale de son pays d'origine. Les cotisations patronales d'un boucher roumain détaché en Allemagne par une entreprise roumaine sont donc celles en vigueur en Roumanie.

Ce double avantage fait bien sûr baisser le coût du travail : entre 6? et 7? de l'heure dans les abattoirs allemands contre 20? environ dans les abattoirs bretons. C'est du dumping social, mais a priori rien d'irrégulier. Sauf que cette main d'?uvre en provenance d'Europe de l'Est, en théorie temporaire, représente 75% des effectifs des abattoirs selon le syndicat représentant des salariés de l'industrie alimentaire NGG. Sauf que les conditions de vie et de travail des ouvriers détachés sont indignes comme l'ont révélé les médias allemands. Mais le succès économique est là : l'Allemagne s'est hissée au rang de plus gros producteur porcin de l'UE avec 5,5 millions de tonnes. La France, reléguée en 3ème position, a cédé énormément de terrain avec moins de 2 millions de tonnes de porcs produites en 2012. L'année 2013 ne s'annonce pas mieux : à fin août, la production accusait déjà un retard de près de 1% par rapport à la même période de 2012. Sous le feu des critiques, les industriels allemands ont pourtant lâché du lest. Ils sont même tombés d'accord pour introduire un salaire minimum obligatoire et mieux encadrer les contrats de sous-traitance. Pas sûr qu'il faille pour autant sabrer le champagne. D'abord, parce que l'Allemagne a beau jeu de rentrer dans le rang, une fois la concurrence à terre. Ensuite, les industriels allemands ont dégagé assez de profits pour passer à la 2ème phase de leur offensive celle de la mécanisation et de l'automatisation de leur site de production, une évolution logique au pays de la machine-outil.  Du capital va donc forcément se substituer à du travail, celui-ci devenant plus cher. Mais ce serait un peu facile de faire de l'Allemagne le bouc émissaire de nos déboires. L'absence de restructuration en France a freiné l'industrialisation de l'abattage. Or les investissements ne peuvent pas s'amortir sur des structures qui sont restées trop modestes pour affronter la concurrence internationale. De même, la montée en gamme est restée insuffisante pour s'arracher de la seule concurrence par les coûts. Enfin, il ne faut pas oublier les pressions de la grande distribution alimentaire sur les tarifs avec ses conséquences sur les marges et l'état de santé du tissu productif, mais aussi de ses modes de développement à l'international. Quand un Carrefour ou un Auchan s'installe hors de France, c'est surtout pour vendre des produits achetés sur place. Quand Lidl et Aldi s'implantent hors d'Allemagne, c'est pour vendre des produits allemands. L'impact sur la production n'est à l'évidence pas le même. Alors ? On peut certes observer que dans la guerre des abattoirs, les allemands ont mené une offensive tous azimuts, et usé de toutes les armes pour conquérir des marchés. Mais la déroute française vient aussi de l'archaïsme de ses structures.

Alexandre Mirlicourtois, Guerre des abattoirs : la vérité sur la compétitivité allemande, une vidéo Xerfi Canal

Publié le mardi 5 novembre 2013 . 4 min. 13

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