Malgré une instabilité politique permanente, les performances économiques d’Israël semblent à tous points de vue remarquables. La croissance est forte et résiste à toute épreuve. Sur les 15 dernières années, le PIB a progressé de 3,9% en rythme annuel, soit nettement plus rapidement que les pays de l’OCDE restée bloquée à 1,5% seulement.
Croissance extensive
Derrière ce miracle économique, il y a d’abord le formidable essor de la population, passée d’à peine plus de 7 millions d’habitants à 9,7 sur la même période, soit un bond de 33%. La population des 15-64 ans, c’est-à-dire la main-d’œuvre mobilisable pour créer des richesses, a suivi, à quelques points près, la même trajectoire. Excédents naturels, mais aussi mouvements migratoires ont joué de concert. Une des clés du succès israélien, c’est donc une croissance extensive, profitable à tous les secteurs : BTP, agriculture, industrie traditionnelle, distribution, etc.
Mais ce n’est pas la seule. Pour preuve, le PIB rapporté à la population en âge de travailler s’élève plus rapidement en Israël qu’aux États-Unis, signe d’une économie de plus en plus efficace, même vis-à-vis de la référence mondiale. Les marques de ce succès sont multiples. Trois sont plus particulièrement instructives :
1. La première renvoie à l’évolution du solde des transactions courantes. Malgré une balance commerciale déficitaire, les excédents courants s’empilent depuis de nombreuses années grâce aux énormes surplus dégagés dans les services, principalement issus de la Tech et aux transferts de revenus d’une diaspora forte de près de 7 millions de personnes. Le solde courant pourrait en outre passer un nouveau sommet à la faveur de la découverte et de l’exploitation de plusieurs gisements de gaz naturel offshore qui devraient notamment permettre au pays d’atteindre son autonomie exégétique d’ici 2030.
2. Le deuxième marqueur de la réussite israélienne, c’est un marché du travail proche du plein emploi. À 4%, le taux de chômage se situe à son niveau structurel.
3. Enfin, l’économie israélienne attire massivement les investisseurs étrangers : les flux d’investissements directs étrangers entrants cumulés entre 2007 et 2021 ont approché les 110 milliards de dollars, soit un niveau quasiment équivalent à ceux reçus par la France et près de deux fois plus élevés que ceux qui ont pris la direction de l’Italie.
Monnaie solide, réserves de change abondantes complètent le tableau.
Potentiel de croissance incertain
Cette réussite israélienne s’appuie sur une politique très favorable au milieu des affaires, mais est aussi fondée sur un soutien public constant envers la technologie et sur un écosystème dans lequel les interactions entre universités, entreprises, armée et investisseurs sont naturelles.
Malgré tous ces succès incontestables, plusieurs freins sont néanmoins susceptibles dans le futur d’affaiblir cette dynamique à défaut de la casser :
• La société israélienne est d’abord confrontée à un sérieux problème d’inégalité. Alors que le niveau de vie du pays est l’un des plus élevés de la région, que le salaire moyen des israéliens est similaire à celui des Européens, le pays compterait un peu plus de 2,6 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté, soit près de 30% de la population totale selon l’ONG Latet, ce qui explique les fréquentes contestions sociales.
• Le taux d’activité (c’est-à-dire le nombre de personnes participant effectivement au marché du travail rapporté à la population en âge de travailler) marque aussi des signes de faiblesses. Certes, il remonte après avoir plongé avec la pandémie, mais il n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant crise. Surtout, avant la crise, il avait tendance à stagner, voir à légèrement reculer en raison de la très faible participation au marché du travail des hommes ultra-orthodoxes et des femmes musulmanes. Il y a en la matière un plafond de verre qui deviendra handicapant à long terme si l’intégration sociale et économique de ses minorités ne s’améliore pas.
• Les ménages souffrent également d’un coût de la vie élevé et d’un prix de l’immobilier particulièrement pénalisant. Les prix des logements flambent. Ils ont quasiment doublé depuis 2012 avec surtout une poussée de près de 20% sur la seule année 2022. Avec un prix moyen d’environ 15 000 euros du mètre carré, Tel-Aviv est l’une des villes les plus chères au monde, loin devant Paris. Une capitale devenue inaccessible pour une partie de la population, notamment des jeunes actifs.
Israël, c’est finalement une économie solide, mais un potentiel de croissance incertain par défaut de cohésion sociale.
Publié le jeudi 26 janvier 2023 . 4 min. 34
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