Après cinq mois de recul, l’indice IFO, la boussole de l’économie allemande, indique le cap : celui d’une fin d’année assez terne. D’autant plus que c’est la composante de l’indicateur mesurant les attentes pour les mois à venir qui baisse le plus nettement, plus que celle jaugeant la situation actuelle.
Le cœur de l’économie allemande connait des ratés
Les problèmes persistants d’approvisionnements entravent notamment les entreprises, et l’utilisation des capacités de production baisse dans l’industrie. Car c’est bien le cœur du réacteur de l’économie allemande qui connaît des ratés. Les commandes passées à l’industrie ont notamment chuté de près de 7% en octobre dernier et sont revenues à leur niveau de septembre 2020. La demande internationale a particulièrement plongé.
Ces grains de sable dans la machine économique allemande freinent la reprise. Cela s’est déjà vu dans les résultats du 3e trimestre. Avec un PIB en hausse de 1,7%, l’Allemagne a sous-performé par rapport au reste de ses partenaires de la zone euro, notamment vis-à-vis de la France où la croissance ressort à 3%. Et ce n’est pas lié à un quelconque effet d’optique lié à une photographie sur le seul 3e trimestre A la sortie de l’été, les PIB français et eurolandais avaient ainsi quasiment raccroché leurs niveaux de l’avant pandémie alors que celui de l’Allemagne en restait écarté de plus de 1%. Et compte tenu de la faible croissance attendue au 4e trimestre, le coche sera une nouvelle fois raté cet automne.
La perte de l’avantage compétitif
Le rétablissement des chaînes d’approvisionnement mondiales entrevues pour le 1er trimestre 2022 remettra, à n’en pas douter, l’économie allemande sur de bons rails. Mais des interrogations persistent sur sa réelle capacité à rebondir, car les obstacles s’accumulent.
Il y a d’abord la hausse rapide du coût du travail qui inverse la dynamique des années 2000. L’évolution des coûts unitaires montre une certaine dérive et une dégradation de la compétitivité-coût par rapport aux autres pays de la zone euro, notamment vis-à-vis de la France avec un resserrement très net des positions avant la pandémie. L’Allemagne perd d’autant plus son avantage compétitif que son Hinterland (pour l’essentiel les pays situés sur son flanc Est) suit la même tendance. En bout de course pour les industriels allemands, il y a le risque de pertes de parts de marché.
Autre zone de friction, le ralentissement chinois. Parmi les principaux pays avancés, l’Allemagne (avec principalement la partie Nord-Est de l’Europe) se situe en haut de classement des pays pour lesquels les exportations en direction du géant asiatique sont les plus essentielles, loin devant la France, l’Italie, le Royaume-Uni ou l’Espagne. Autre élément à prendre en compte : la contagion du coup de frein chinois aux autres pays émergents, principalement les grands pays fournisseurs de matières premières sur lesquels les industriels allemands ont particulièrement misé pour asseoir leur développement.
Le pays de la folie immobilière
Autre handicap à surmonter, l’Allemagne est devenue le pays de la folie immobilière. Après être restés très sages, les prix dans l’ancien se sont envolés de près de 83% depuis 2010, soit au rythme de 5,6% l’an. Autant dire qu’aucune des grandes économies européennes ne suit la cadence : en 2e position, le Royaume-Uni se situe loin derrière. Sans évoquer la France avec un rythme de hausse 4 fois plus faible, ni même l’Espagne ou l’Italie où les prix sont en baisse.
C’est un grand coup de canif dans le consensus social allemand qui s’articulait notamment autour d’une progression salariale modérée et de prix du logement mesuré. La flambée immobilière accroît de surcroît les inégalités patrimoniales, dans un pays où déjà les inégalités de revenus sont élevées en liaison avec le nombre important d’emplois dégradés comme les mini-jobs.
« Quoi qu’il en coûte » : en Allemagne aussi
Obstacle supplémentaire, la situation des finances publiques. Comme la quasi-totalité des pays avancés, l’Allemagne a répondu à la crise de la convid-19 en ayant sa version du « quoi qu’il en coûte » avec comme conséquence un creusement du déficit public qui atteindrait plus de 5% du PIB cette année. Ce n’est pas tant ce chiffre qui pose problème, mais celui du déficit structurel qui ne tient pas compte de l’impact de la conjoncture sur la situation des finances publiques Attendu à
-2,4% environ cette année, il n’est plus du tout compatible avec les règles budgétaires de l’Allemagne qui le limitent à 0,35%.
Et de deux choses l’une soit les autorités allemandes décident de réduire fortement le déficit public ce qui serait un obstacle de plus à la relance, soit elles se résignent à modifier ou s’arranger avec la règle du « frein à la dette » au risque que les partenaires européens de l’Allemagne, comme la France et l’Italie, y voient des encouragements à abandonner toute discipline budgétaire.
Le mur démographique, le coût de la transition énergétique sont autant d’écueils supplémentaires qui pourraient bien mettre l’Allemagne en difficulté ces prochaines années.
Publié le mardi 14 décembre 2021 . 4 min. 19
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