L’Indonésie dispose de tous les atouts pour devenir un géant économique. Dans les faits, elle l’est déjà en partie.
Croissance extensive
Plus grande des économies d’Asie du Sud-Est, le pays a intégré le G20 en 2008 et se place aujourd’hui au 16e rang des puissances économiques mondiales. C’est aussi avec près de 275 millions d’habitants le 4e pays le plus peuplé au monde.
La démographie, c’est le premier point fort du pays. Sa population est jeune. La cohorte des 15-64 ans, sur laquelle repose l’essentiel de la création de richesse et le potentiel de croissance d’un pays, est en forte progression que se soit en termes relatifs en représentant près de 7 habitants sur 10, qu’en termes absolus en augmentant de près de 2,5 millions de personnes par an depuis la fin des années 90. Avec plus de 2 enfants par femme, le renouvellement des générations est assuré et le dividende démographique ne va pas s’épuiser de sitôt.
C’est l’une des clés du succès indonésien qui a permis au pays de connaître une croissance proche de 5% l’an depuis 1998, soit depuis la crise asiatique et la démocratisation du régime qui l’a suivie. Une croissance extensive profitable à tous les secteurs. Le réservoir de main-d’œuvre est aussi de mieux en mieux valorisé comme le montre l’augmentation de 3,2% l’an du PIB rapporté à la population en âge de travailler et qui explique pourquoi le PIB par habitant a été multiplié par 5 en 20 ans.
Cet essor de l’économie indonésienne s’est d’abord appuyé sur un des atouts majeurs du pays, la richesse de ses sous-sols. Cela en a fait un immense producteur de matières premières diversifiées, dont l’offre s’est retrouvée face à une demande chinoise quasiment inextinguible : en 15 ans, les exportations vers la Chine se sont envolées de près de 550%, contre moins de 90% pour le reste du monde. Et l’Empire du Milieu capte désormais près du quart des exports indonésiens.
L’Indonésie détient notamment des positions fortes sur des minerais stratégiques : cuivre, charbon, bauxite et plus encore le nickel pour lequel elle est leader mondiale et dispose de réserves uniques sur lesquelles lorgnent les fabricants de batteries. En outre, Jakarta joue sur la compétition entre les grandes puissances (Chine, Japon, Corée du Sud, États-Unis) afin de stimuler sa propre industrie. Le pays interdit ainsi l’exportation de nombreux minerais bruts. Pour pouvoir avoir accès à la matière première, il faut la transformer sur place, un moyen efficace pour attirer et mettre en concurrence les investissements étrangers et bénéficier des transferts de technologies.
Les filons de l’huile de palme, du caoutchouc, en passant par l’exploitation forestière jusqu’au gaz complètent la liste et rapportent suffisamment de devises pour combler les postes déficitaires. Seul point noir, le déclin de la production pétrolière depuis le début des années 90, associé à une hausse continue de la consommation, a conduit le pays à devenir un importateur net de pétrole depuis 2003.
Les trois terrains d’action pour attirer les capitaux
L’ambition économique indonésienne ne se limite toutefois pas à la seule valorisation de ses ressources naturelles et de leurs écosystèmes. Le coût réduit de sa main-d’œuvre, l’immensité de sa population active, la profondeur de son marché domestique sont des plus pour bâtir une industrie à l’assise sectorielle beaucoup plus large. Pour cela, il faut attirer des capitaux, donc séduire et rassurer les marchés financiers étrangers. C’est bien pourquoi les autorités ont défini trois terrains d’action :
1. Les finances publiques avec l’instauration d’une règle d’or budgétaire qui limite à 3% du PIB le déficit public et 60% l’endettement. Si l’application de la règle a été suspendue le temps d’apporter une réponse budgétaire à la crise de la Covid entre 2020 et 2022, le déficit reviendra dès cette année sous les 3%. Quant à l’endettement, il reste parfaitement conforme au critère.
2. Deuxième axe, disposer d’une monnaie stable. C’est bien pourquoi pour éviter la fuite des capitaux à la suite du resserrement monétaire aux États-Unis, la Banque centrale indonésienne a remonté par 6 fois ses taux depuis août 2022 et contrôlé la dépréciation de la roupie face au dollar.
3. C’est enfin, la volonté de favoriser l’environnement des affaires à travers des réformes axées sur la déréglementation, la fiscalité, l’application de la loi dans un pays où la corruption reste un problème. Hormis 2016, les flux d’IDE ont ainsi changé d’orbite, avec à la clé certains succès comme l’automobile. Sous l’égide des constructeurs japonais, la production de véhicules particuliers s’approche de 1,5 million, c’est plus qu’en France.
En plein essor, le secteur touristique a également profité d’importants investissements extérieurs. Certes, la crise de la Covid l’a stoppé net, mais c’est temporaire.
Puissance montante, l’Indonésie pourrait paradoxalement être freinée dans son élan par ce qui a été l’une de ses forces : la Chine. Non pas tant parce qu’elle est exposée aux à-coups de l’économie chinoise, mais plus parce que les relations se crispent autour de deux sujets sensibles :
• la répression massive des Ouïgours qui ne peut laisser indifférent le plus grand pays musulman de la terre,
• mais aussi parce que Pékin revendique des droits historiques en mer de Chine méridionale sur des zones qui chevauchent la zone exclusive économique de l’Indonésie.
Publié le mardi 7 mars 2023 . 5 min. 34
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