L’ascenseur social fonctionne beaucoup moins en France qu’ailleurs. Cette conclusion sans appel est celle d’une étude menée par l’Institut des Politiques Publiques sur la mobilité intergénérationnelle de revenu.
L’ascenseur social ne descend pas plus qu’il ne monte
En partant d’analyses basées sur les matrices de transition entre quintiles de distribution de revenus, les auteurs apportent trois informations essentielles concernant la mobilité ascendante d'abord. Moins de 10% seulement des enfants issus des familles aux revenus les 20 % les plus bas se retrouvent parmi les 20% des ménages aux revenus les plus hauts une fois à l’âge adulte. Cette statistique positionne l’Hexagone parmi les pays de l’OCDE où la mobilité intergénérationnelle est la plus faible, loin derrière les pays nordiques, la Suisse, l’Espagne ou l’Australie.
La persistance intergénérationnelle est également particulièrement forte en bas de l’échelle. Environ 32% des enfants issus des familles les plus modestes demeurent coincés dans cette catégorie une fois adultes. En d’autres termes, les chances d’ascension sociale sont limitées pour les enfants issus des milieux défavorisés et sont inférieures dans l’Hexagone à celles de la plupart des autres pays analysés. Mais la France se démarque encore plus au sommet de l’échelle des revenus. Près de 40% des enfants issus des ménages les plus favorisés conservent leur rang à l’âge adulte. Dans une société où les revenus des enfants seraient déconnectés de ceux des parents, cette statistique serait égale à 20%. Bref, l’ascenseur social ne descend pas plus qu’il ne monte.
Inégalités d’accès au supérieur
À la source de cet immobilisme social, les inégalités d’accès à l’enseignement supérieur renforcées par l’homogamie et la montée du travail des femmes.
Le « rendement salarié du diplôme » est une réalité. Les diplômés du supérieur accèdent en majorité à des emplois de cadres, tandis que les jeunes sortant diplômés du secondaire se retrouvent plus fréquemment dans des emplois moins qualifiés et moins rémunérateurs. Si le lien entre accès au supérieur des enfants et le revenu des parents est avéré, alors la faible mobilité intergénérationnelle peut lui être imputée. Et c’est bien le cas. Si la proportion d’une génération ayant accès à l’enseignement supérieur a fortement progressé pour toutes les catégories sociales, la tendance est plus marquée pour les enfants de cadres ou de professions intermédiaires, et l’écart se creuse avec ceux issus de familles d’ouvriers ou d’employés.
Surtout, les formations les plus élitistes qui donnent accès aux postes les mieux rémunérés restent l’apanage d’un happy few. Le profil social des écoles les plus prestigieuses s’écarte ainsi totalement de la structure sociale de l’ensemble de la population analysée : la part des étudiants de familles appartenant aux professions et catégories socioprofessionnelles les plus favorisées est écrasante. Les dispositifs d’ouverture sociales des filières les plus sélectives sont un échec, c’est uniquement un élément de communication.
Homogamie : l’union entre égaux
Les inégalités de revenus s’enracinent donc dans les inégalités d’accès au supérieur mais se retrouvent aussi amplifiées par l’homogamie et la montée du travail féminin. De plus en plus de femmes sont diplômées du supérieur, de plus en plus sont en activité. Cette tendance en percute une autre : plus des deux-tiers des hommes sans diplôme sont en couple avec une femme ayant au mieux le BEP ; de l’autre, plus de 80 % des détenteurs d’un BAC plus 5 vivent avec une femme disposant au moins d’un BAC + 2 contre 4% avec une femme sans diplôme. Concrètement, les hommes bien payés forment le plus souvent une union avec des femmes bien payées et vice-versa. La prise en compte du revenu du conjoint réduit mécaniquement encore plus la mobilité intergénérationnelle en agrégeant la réussite à la réussite, la précarité à la précarité. La reproduction sociale joue à plein ; les inégalités prospèrent.
Publié le jeudi 23 novembre 2023 . 3 min. 54
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