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Les Etats-Unis devaient être la locomotive du monde cette année. Ils seront au mieux un moteur d’appoint. Première entrave à la croissance américaine : « la grande démission ». Malgré un taux de chômage toujours supérieur à son niveau pré-pandémie, des tensions sur les marchés du travail sont apparues dès la sortie de crise avec un nombre croissant d’entreprises déclarant rencontrer des difficultés de recrutement, voire des pénuries de main-d’œuvre. Bref fin 2021, il manquait toujours près de 4 millions d’emplois dans le secteur privé et le nombre d’emplois vacants restait supérieur à 10 millions, c’est-à-dire collé à son record historique depuis 2001 date du début de la série.


Ce phénomène n’est pas propre aux Etats-Unis, mais il y a pris une ampleur particulière en raison de sorties massives de la population active. L’évolution du taux d’activité, c’est-à-dire le nombre de personnes en emploi ou à la recherche d’un emploi rapporté à l’ensemble de la population en âge de travailler (c’est-à-dire les 15-64 ans) reste nettement en dessous de ses niveaux d’avant pandémie. Départs anticipés à la retraite, travailleurs découragés face à la charge de travail et la faible rémunération quittent le marché du travail. La faculté du pays à mobiliser sa main d’œuvre s’est affaiblie, sa capacité à générer de la croissance aussi.


Autre facteur déstabilisant, une déferlante de départs de collaborateurs à la recherche d’un autre emploi qui comptent bien profiter de la situation pour en tirer avantage, notamment des salaires plus élevés. Deuxième vent contraire l’inflation. Le phénomène est certes mondial, mais il est particulièrement notable aux Etats-Unis où les prix à la consommation ont augmenté de 7,1% sur un an en décembre dernier et même de 8,1% selon le mode de calcul européen contre 5% en zone euro. La composante énergie est certes importante, mais n’explique pas totalement cette dynamique puisque les chiffres pour les indices sous-jacents, c’est-à-dire expurgés des prix de l’énergie et des biens alimentaires, atteignent respectivement 5,5 et 2,6% des deux côtés de l’Atlantique, soit du simple au double.


Une différence qui s’explique par des goulets d’étranglement plus long à résorber du fait de l’absence de mécanisme stabilisateur de type chômage partiel contrairement à l’Europe, de l’ampleur du syndrome de grande la démission évoqué plus haut, s’ajoute, l’accélération induite des salaires. Tout cela impacte l’offre alors qu’en face, côté demande, avant même les discussions sur le vote du budget 2022, le total des mesures prises d’abord par l’administration Trump puis celle de Joe Biden pour faire face à la crise Covid, ont atteint 5 200 milliards de dollars, ce qui représente plus de 27 points de PIB de l’année 2019. La conséquence est double. La hausse des prix consume totalement celle des revenus et cela fait maintenant plusieurs mois que le pouvoir d’achat des Américains baisse. Certes, les ménages peuvent encore puiser dans les réserves accumulées ces deux dernières années, mais la distillation est lente d’autant que la confiance des consommateurs n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant pandémie.


Ce malaise est perceptible dans les décisions d’achat. La consommation des ménages a déjà beaucoup déçu au 3ème trimestre et les ventes au détail en fin d’année ne poussent pas à l’optimisme. Or il s’agit d’une variable clé de la croissance américaine.
Seconde conséquence, la Banque centrale ne peut rester insensible à une embardée des prix qui atteint son plus haut niveau depuis le début des années 80… Paul Volcker était alors aux manettes de la Fed. Après avoir laissé filer l’inflation due aux chocs pétroliers, la politique monétaire devient très restrictive et le taux directeur s’envole par deux fois à 20%.


L’inflation est vaincue, la hausse des prix à la consommation passe de 15 à 4% entre 1980 et 1983 mais c’est au prix d’une forte récession et de l’explosion du taux de chômage sur la période 1982-1983.


Peu de chance néanmoins que le film se rejoue. La situation est bien plus périlleuse aujourd’hui que dans les années 80. Il faut intégrer dans l’équation, 1/ une Fed contrainte de freiner au moment où le déficit budgétaire va se réduire passant de 12 à 7%. 2/ des niveaux de taux d’endettement privé (ménages, entreprises) et public qui en pourcentage du PIB ont été multipliés par deux dans le premiers cas et par 3 dans l’autre.


Et enfin 3 un effet richesse (financier et immobilier) beaucoup plus puissant aujourd’hui qu’hier. La réaction de Wall Street à la simple énonciation d’un risque de resserrement montre bien que la Banque centrale américaine marche sur des œufs. En attendant, faute de bras pour sa reprise, la croissance américaine est en phase critique. Elle peine à se frayer un chemin, entre deux écueils : l’étouffement de sa consommation par l’inflation ou le dévissage de ses marchés face à la menace de freinage monétaire.


Publié le jeudi 27 janvier 2022 . 4 min. 34

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