Le mariage et, au-delà, la vie en couple sont devenus une implacable fabrique d'inégalités entre ménages. Pour démonter son mécanisme, il faut partir de 5 faits sociaux majeurs.
La nouvelle place des femmes dans le monde du travail
Le premier : l’essor considérable du travail féminin rémunéré. Commencé dans les années 60, le mouvement s’est accéléré au milieu des années 70, si bien que le taux d’activité entre hommes et femmes est désormais très proche.
Deuxième transformation majeure, l’élévation rapide du niveau de qualification en général, des femmes en particulier. De plus en plus de filles obtiennent leur baccalauréat et elles sont même très largement sur-représentées dans la filière générale. Conséquence, parmi la génération des 25-34 ans, la part des jeunes femmes détenant un diplôme supérieur à BAC +2 dépasse 41%, un niveau nettement plus élevé que celui des garçons. C’est à l’opposé de ce qui est observé pour la génération des 55-64 ans pour laquelle ce sont les hommes qui dominent.
Cette hausse générale du niveau du diplôme obtenu par les femmes se retrouve en grande partie dans la progression des postes qu’elles occupent. Elles constituent ainsi aujourd’hui la moitié des effectifs de médecins. Proche de 45%, la part des femmes parmi les cadres a aussi doublé en 40 ans et plus de 30% des ingénieurs et cadres techniques de l’industrie sont désormais des femmes, contre à peine plus de 3% au début des années 80.
Quatrième fait à intégrer dans l’équation : à travail égal, le salaire entre les deux sexes se rapproche. Finalement, entre réduction des inégalités salariales et l’élévation du niveau des postes occupés, l’écart de rémunérations homme/femme s’est considérablement réduit dans son ensemble même si l’égalité demeure encore loin.
Qui se ressemble s’assemble
Résultat de ces transformations : le nombre de femmes bien payées est en forte progression. Cette tendance en télescope une autre : en matière de couple, qui se ressemble s’assemble, les sociologues parlent d’homogamie. Plus de 78% des ouvriers vivent ainsi avec une ouvrière ou une employée contre moins de 3% avec une femme cadre supérieure. À l’opposé, plus de 38% des cadres supérieurs formaient un couple avec une femme de la même catégorie sociale mais moins de 2% avec une ouvrière.
L’homogamie en fonction du diplôme renvoie la même image. D’un côté, plus des deux-tiers des hommes sans diplôme sont en couple avec une femme ayant au mieux le BEP, de l’autre, plus de 80% des BAC plus 5 vivent avec une femme disposant au moins d’un BAC + 2 contre 4% avec une femme sans diplôme.
L’homogamie est de plus une fonction croissante du niveau du diplôme : un titulaire de doctorat a 27 fois plus de chances de vivre avec une conjointe ayant la même qualification que si cette personne avait été déterminée au hasard. C’est 26 fois plus pour les médecins, 24 fois plus pour les diplômés d’une école de commerce et encore près de 20 fois plus pour les ingénieurs.
La part des unions dont l’homme appartenait aux 20% les plus aisés et la femme aux 20% les moins favorisées a été divisée par 2 en 20 ans. Concrètement, les hommes bien payés forment de plus en plus souvent une union avec des femmes bien payées. De l'autre côté, le nombre de couples dont les deux conjoints figurent parmi les 20% les plus modestes a doublé lui aussi. Bref, de la hausse de l’activité féminine, du degré de qualification des femmes, du niveau des postes qu’elles occupent, de la convergence des salaires entre les sexes associée à l’homogamie a bien réduit les inégalités inter-individuelles et notamment de genre, mais elle a creusé le fossé entre ménages, agrégeant via le couple la réussite à la réussite, la précarité à la précarité et générant par ses échecs une nouvelle zone d’hyper-fragilité à travers l’explosion des familles monoparentales.
Publié le mardi 12 septembre 2023 . 4 min. 13
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d'Alexandre Mirlicourtois
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