Parmi les habitants des plus grands pays européens, lesquels s’en sortent le mieux depuis l’adoption de l’euro au 1er janvier 1999 ?
L’Allemagne comme étalon
Le plus simple est de partir du revenu disponible brut ajusté des ménages, soit l’ensemble des revenus auxquels sont ajoutés les prestations sociales et les transferts sociaux en nature (remboursement des soins médicaux et des médicaments par exemple) puis soustraits les impôts directs et les prélèvements sociaux. Pour s’affranchir de la composante strictement démographique des évolutions, le revenu est calculé par habitant et pris en parité de pouvoir d’achat pour éliminer les écarts de niveau général des prix entre les pays.
Cette période 1999-2018 est favorable à tous. L’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Espagne affichent quasiment les mêmes performances. Mais l’Italie détonne avec une progression près de deux fois inférieure à celle du leader. Cette photo d’ensemble a néanmoins l’inconvénient d’effacer la séquence chronologique et un retournement spectaculaire. Du fait de son poids dans l’économie européenne, le niveau du pouvoir d’achat de ses habitants, l’Allemagne va servir d’étalon à partir duquel les autres économies seront comparées.
Du rattrapage à la divergence
C’est très net, deux périodes se dégagent :
• Une phase de rattrapage chaotique (1999-2006) mais où le revenu par tête des grands pays européens se rapprochent de celui de l’Allemagne jusqu’à représenter selon les années 91% de celui-ci. Une période durant laquelle l’Allemagne était placée sous le joug de l’agenda Schröder dont l’un des pivots était le strict contrôle des salaires, la multiplication des mini jobs, un véritable carcan autour du pouvoir d’achat, alors que croissance et revenus étaient bien moins corsetés ailleurs en Europe.
• Puis une période de divergence (2007-2018) durant laquelle le revenu par tête des Français, des Britanniques, des Espagnols et des Italiens recule de façon ininterrompue par rapport à celui des Allemands, exceptée la courte parenthèse de 2015-2016, c’est-à-dire au moment où la population allemande a bondi sous l’afflux de réfugiés fuyant la guerre au Moyen-Orient.
Grande récession et plans d’austérité : des effets néfastes
Chaque pays à son histoire mais deux grands groupes se distinguent.
• Il y a d’abord le couple franco-britannique. C’est celui qui a le mieux résisté à la grande récession, à ses soubresauts et qui ne s’est pas laissé piéger dans les politiques d’austérité. Avec d’un côté la France qui a largement refusé de se soumettra au diktat de l’orthodoxie allemande et, de l’autre, le Royaume-Uni qui en dehors de l’UEM pouvait s’affranchir de ses règles comptables et soutenir son économie. Si les deux pays sont proches, une cassure apparait néanmoins après 2016, soit après le referendum sur le Brexit et ses conséquences sur l’économie anglaise, au niveau de la croissance et des revenus. L’écart se creuse vis-à-vis de la France mais encore plus vis-à-vis de l’Allemagne où il atteint 18 points. Jamais la différence de revenu entre Britanniques et Allemands n’a été aussi importante depuis 1999 et même vis-à-vis des Français… Français dont le niveau de vie se situe 12 points en dessous de celui des Allemands, un écart constant depuis trois ans et très proche de son niveau de 1999 qui était de 11 points.
• Pour les deux principales économies du Sud, les 10 dernières années ont été éprouvantes et le résultat est là. Alors que les Italiens disposaient d’un revenu par habitant assez proche de ceux des Allemands avant la grande récession, la différence est aujourd’hui de près de 25 points, c’est un record. En Espagne, l’écart est de 32 points. Ce n’est pas un record, mais c’est plus qu’en 1999 où il était de 30 points.
L’impact de la crise et plus encore l’empilement des plans d’austérité sont passés par là. Mais alors que l’Italie reste empêtrée dans les pires difficultés, l’économie espagnole, elle, est repartie de façon spectaculaire depuis 2015 avec un PIB en hausse de plus de 3% en moyenne sur les quatre dernières années. Mais c’est au prix d’une violente dévaluation interne, c’est-à-dire une amélioration de la compétitivité coût basée notamment sur la baisse des coûts salariaux. Cette orientation ne se retrouve ni en Italie, ni en Allemagne.
La mise en place de la monnaie unique devait assurer la convergence des niveaux de vie. Le processus s’est en partie mis en place au début des années 2000. Mais la grande récession à révéler combien ce mouvement était artificiel. Les disparités semblent bien installées pour durer.
Publié le lundi 20 mai 2019 . 4 min. 37
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