« L’inégalité d’inflation » se creuse, car si les prix ont augmenté en moyenne de 4,8% en avril, le thermomètre s’affole autour d’un foyer principal, l’énergie (+26,5%), et d’un foyer secondaire : l’alimentaire (près de 4% de hausse) essentiellement entretenu par l’augmentation des produits frais. De leur côté, les progressions dans les services et les produits manufacturés restent, pour l’heure, beaucoup plus contenues. Or, l’exposition des ménages à ces augmentations très concentrées est porteuse d’inégalités en raison de structures de consommation très différenciées suivant le niveau de vie, mais aussi de variables sociodémographiques comme le lieu de résidence, le statut d’occupation de la résidence principale, l’âge, la taille du ménage, etc. L’analyse par décile de niveau de vie de la demande des ménages fait ainsi ressortir un ensemble de biens et services dont le poids dans le budget s’allège avec l’élévation du revenu.
Dépenses de logement et d’alimentation : les moins favorisés en première ligne
Le plus emblématique est celui des dépenses de logement. Ces charges absorbent près du quart du budget des plus modestes et représentent leur 1re source de dépenses, contre 12% pour les plus aisés pour qui elles constituent uniquement le 4e poste budgétaire. La facture énergétique est l’un des éléments constitutifs de ces dépenses « logement ». Pour les moins favorisés, elle représente plus de 6% de leurs dépenses totales, contre moins de 4,5 à l’autre bout de l’échelle. Et ce poste flambe. Certes, le bouclier tarifaire permet d’en atténuer les effets, mais il n’en demeure pas moins que le prix de l’électricité est en hausse de près de 7% sur un an, celui du gaz de ville de plus de 54% et celui du fioul de plus de 80 et ce sont bien les ménages les plus fragiles les plus exposés à ces augmentations.
Conséquence également du retour de l’inflation, les locataires vont devoir payer plus. Chaque année le propriétaire-bailleur a la possibilité de réviser le montant du loyer en prenant comme référence l’IRL, un indice directement indexé sur celui des prix à la consommation hors tabac, hors loyer. Un indice au plus haut depuis 2008 et qui n’a pas terminé son ascension. Or, parmi les 25% des Français les moins riches, 62% sont locataires, une part qui tombe à 20% à l’autre bout du spectre. C’est mécanique : le poids des loyers dans les dépenses des ménages est une fonction décroissante du niveau de vie. Là aussi, les moins favorisés sont donc en première ligne.
Idem pour l’alimentation à domicile. Les plus modestes consacrent une plus grande part de leur budget à l’alimentaire. Le niveau de vie influe en outre sur la composition du panier qui pour les déciles inférieurs comporte davantage de pain et céréales, mais moins de poissons, de viandes ou de boissons alcoolisées. Hors légume et poissons frais, ce sont les éléments de bases, huiles alimentaires, pâtes, farine dont les prix progressent le plus. Quant à l’alimentation hors foyer, c’est-à-dire les services de restauration qui est une fonction croissante du niveau de vie, les prix restent très sages notamment dans la restauration traditionnelle, types d’établissements les plus fréquentés par les catégories les plus favorisées.
Transports : le lieu d’habitation est discriminatoire
En matière de transports, dès lors que l’analyse se concentre autour des frais de carburants, la bonne clé de lecture n’est pas celle liée au niveau de vie. Les dépenses de la ligne « carburants et lubrifiants » varient peu en fonction de ce critère, même si le dernier décile est moins concerné. En revanche, le lieu d’habitation est la variable discriminante. En zone rurale où l’automobile est incontournable, c’est 5,8% du budget des habitants, contre 2,1% pour ceux de l’agglomération parisienne qui bénéficient d’un réseau de transport en commun très dense.
Quant aux dépenses de loisirs, culturelles, de soins personnels — dont le centre de gravité penche vers les classes les plus favorisées —, ce sont aussi les domaines où les prix augmentent le moins.
La situation peut se résumer ainsi : niveau de vie bas, prix hauts, niveau de vie haut, prix bas avec un amplificateur selon que l’on soit rural ou urbain. Cette configuration n’est pas nouvelle. En 2008, les prix s’étaient déjà emballés pour atteindre en moyenne 3,6% à l’été, avec une pointe à 18,5% pour les prix de l’énergie, de 6,4% dans l’alimentaire avec une fois de plus les produits frais comme aiguillons, les services et les produits manufacturés étant plus en retraits. La conséquence en matière d’inégalité d’inflation a été mesurée sur l’ensemble de l’année par l’Insee : une inflation de plus de 3% pour les déciles inférieurs, tombant à 2,5% pour les 10% les plus aisés.
Ces écarts seront beaucoup plus grands cette année, car l’inflation sur les postes les plus discriminants sera nettement plus élevée et s’étirera sur une période plus longue. Avec à la clé, une « inégalité d’inflation » explosive.
Publié le mardi 31 mai 2022 . 4 min. 28
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d'Alexandre Mirlicourtois
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