La Chine peut-elle prendre le risque de couper ses liens économiques avec les pays de l’OCDE comme l’a fait la Russie en attaquant l’Ukraine. C’est difficile à croire. Parce que déjà sa demande intérieure est trop faible et que sa croissance dépend trop de ses exports. Qu’il y a eu aussi, depuis son adhésion à l’OMC en décembre 2001, une forte imbrication capitalistique entre les deux zones, et qu’enfin, contrepartie de ses excédents commerciaux la Chine détient des réserves de change considérables en devises étrangères. Finalement, en cas de séparation entre la Chine et les pays de l’OCDE, la croissance chinoise serait plombée or il en va de la stabilité politique du pays.
La trajectoire prise par l’économie chinoise renvoie aujourd’hui l’image d’une économique proche de l’asphyxie. La propagation du variant Omicron et la politique du zéro Covid conduisent au confinement de grandes villes et plombe l’activité. Les PMI manufacturier comme non manufacturier sont passés sous la barre des 50 en mars dernier entrant ainsi dans la zone indiquant une contraction de l’activité.
Mais au-delà même des conséquences de la crise de la Covid-19, la stratégie de Xi Jinping de la double circulation, visant à la fois à stimuler le marché intérieur et le commerce extérieur pour diversifier les risques ne fonctionne pas car la demande intérieure est défaillante. Le consommateur chinois n’est notamment pas à la fête comme le montre l’essoufflement des ventes au détail et des services de restauration. Au ralentissement du développement de la classe moyenne, se pose le problème du vieillissement démographique conjugué à la faiblesse du système de retraite et de santé qui contraint les ménages à épargner plus. A plus long terme, le recul de la population en âge de travailler va se traduire par une réduction de la capacité du pays à créer de la croissance. Face à une progression au ralenti de la demande domestique, ce sont donc les exportations qui tirent la croissance. Or, les pays de l’OCDE absorbent plus de la moitié des exportations chinoises, des exports en hausse pour un total de plus de 1 300 milliards de dollars en 2020, c’est plus de 9% du PIB chinois en valeur. Et ce sont les Etats-Unis et l’Europe qui forment bien l’essentiel des marchés extérieurs chinois en étant la destination de plus d’un dollar sur 3 exportés par l’Empire du milieu. C’est une source essentielle de croissance.
Le flux et les stocks des investissements directs globaux donnent de leurs côté une bonne indication de l’imbrication capitalistique des économies : que ce soient les flux entrants ou sortants, ils sont en forte progression, notamment des sorties signe d’une Chine très offensive à l’extérieur de ses frontières. Les stocks d’IDE détenus par les entreprises étrangères en Chine sont proches de 2 000 milliards d’euros, mais à rebours entreprises et investisseurs chinois sont à la tête d’un stock d’IDE de près de 2 500 milliards de dollars à travers le monde.
Or ce sont bien les Etats-Unis et l’UE les premiers investisseurs en Chine, mais aussi les principaux récipiendaires des investissements chinois. Sur les quelques 1 300 milliards de dollars investit par la Chine entre 2005 et 2019, près de 14,5% ont eu pour destination l’UE à 28 et 10% environ les Etats-Unis. En y ajoutant simplement, l’Australie, la Suisse et le Canada, c’est déjà 36% de l’ensemble.
Une rupture entre les deux blocs entraînerait de facto pour les deux de sérieuses pertes. Il y a pour finir les immenses réserves de change qui approchent les 3 500 milliards de dollars. Or cela a agi comme un électrochoc quand les pays occidentaux ont décidé de geler les réserves de la banque centrale russe détenues à l’étranger auprès d’autres instituts monétaires. Impossible pour elle de piocher dans ce trésor de guerre. Pour la Chine cela signifie que la sécurité de ses réserves détenues à l’étranger n’est pas garantie. Elles peuvent aussi être prises en otage dans le cadre de sanctions, en particulier venant de Washington. Or même s’il s’agit d’un secret très bien gardé, un simple regard sur la structure de la composition des réserves de changes des pays émergents dévoilent la domination du dollar, l’euro étant loin derrière.
Bref, le coût économique pour la Chine de couper ses liens avec l’Occident est aujourd’hui trop grand pour que le gouvernement chinois puisse prendre un tel risque.
Publié le jeudi 28 avril 2022 . 4 min. 01
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