Les signes de fragilisation du marché de l’emploi sont là et vont peser sur les négociations salariales et le niveau des salaires à l’embauche. Parmi ces alertes, la division par près de deux du rythme des créations nettes d’emplois entre les 2èmes trimestres de 2023 et de 2022. Cette modération s'est déjà retrouvée dans les chiffres du chômage. Sa décrue s'est stoppée et, avec plus de 2,8 millions de chômeurs en France métropolitaine en juillet dernier, il se situe à son plus haut niveau depuis le début de l'année.
Moins de croissance pour générer des emplois
La « job machine » devrait en outre connaître d'autres ratés. Traditionnel indicateur avancé de l'état de santé du marché du travail, l’emploi intérimaire recule depuis 2 trimestres maintenant. De leur côté, les licenciements se maintiennent à très hauts niveaux et de plus en plus de contrats sont rompus pendant la période d’essai.
L’autre signe avant-coureur de la cassure à venir réside dans la trajectoire prise par les intentions d'embauche : qu'elles concernent les CDD de plus d'un mois ou les CDI, l'orientation ne pousse pas à être optimiste pour la fin de l'année et, à plus long terme non plus, la progression de l’activité devenant trop lente. Le lien entre croissance et emploi s'est certes distendu à la sortie de la crise de la Covid avec une productivité du travail en considérable recul par rapport à 2019. En d'autres termes, il a fallu moins de croissance pour générer des emplois, notamment en France.
Inversion des rapports de force employeurs/employés
Toutefois, certains facteurs spécifiques devraient s'effacer et permettre à la productivité de se redresser : c'est le cas notamment du bond spectaculaire du nombre d'apprentis, dont la productivité est inférieure à la moyenne, qui est maintenant derrière nous ; idem concernant l'embardée post-Covid de l’absentéisme. Résultat, la dynamique du marché du travail va recoller au cycle économique. Il faut donc s'attendre à des créations d'emplois trop faibles d'ici la fin de l'année pour absorber la hausse de la population active avant d'entrer en 2024 dans une phase de destruction d'emplois. Le nombre de chômeurs et le taux de chômage vont donc remonter et le rapport de force entre employés et employeurs devrait de la sorte s'inverser de nouveau.
La conséquence sur les rémunérations du personnel déjà en place ne se situe pas en bas de l’échelle. L’indexation, même retardée, du SMIC aux prix dans un contexte d'inflation persistante va alimenter sa hausse comme celle des minimas conventionnels. C'est d'ailleurs la principale explication de l'augmentation actuelle du salaire mensuel de base à ce détail près : il progresse moins vite que le SMIC et l'écart se creuse. Bref, l'inflation a partiellement été répercutée dans les augmentations annuelles pour les catégories socioprofessionnelles dont les rémunérations sont les moins directement accrochées au SMIC alors même que les salariés étaient en position de force. Les professions intermédiaires et plus encore les cadres sortent perdants de la situation avec ce bémol toutefois pour ces derniers : ce sont aussi eux qui ont le plus profité du versement massif de la prime de partage de la valeur fin 2022.
Vers des prétentions salariales revues à la baisse
Le refroidissement de la conjoncture replace ainsi les employeurs en position plus favorable pour négocier avec un double impact : il n'y aura pas ou très peu de rattrapage de l'inflation passée dans les augmentations salariales à venir et les entreprises seront moins généreuses sur la prime du partage de la valeur.
Pour les nouveaux entrants sur le marché du travail, cela veut dire des prétentions salariales revues à la baisse. C'est déjà le cas dans l'hôtellerie, l'immobilier. La température retombe aussi dans des secteurs jusqu'alors en surchauffe comme la finance, le conseil, l'audit et même l'informatique (au-delà de certains profils spécifiques). Pas de doute, 2024 ne s'annonce pas sous les meilleurs auspices pour les salariés.
Publié le mardi 26 septembre 2023 . 3 min. 52
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