Qu’on se le dise, la Russie est venue à bout de la pandémie de Covid-19 et entend bien jouer les premiers rôles dans la reprise mondiale. C’est en substance le message délivré par le Président Vladimir Poutine au forum économique de Saint-Pétersbourg en juin dernier. Un étrange arrangement avec la réalité…
Les restrictions sanitaires risquent bel et bien de se durcir
Avec plus de 20 000 cas, le nombre de contaminations quotidiennes flambe à nouveau en Russie. Il dépasse les plus hauts niveaux enregistrés au printemps 2020 et se rapproche du sommet de janvier 2021. Et les mauvais chiffres se succèdent. Avec plus de 650 décès quotidiens, la mortalité se situe à niveau record depuis le début de la pandémie, il y a un an et demi. Encore, ce décompte exclut les morts provoquées officiellement par une autre pathologie, mais « avec la Covid ». Quant à la campagne de vaccination, elle est laborieuse et à peine plus d’un Russe sur 10 a reçu deux doses, très insuffisant pour assurer un semblant d’immunité collective. Le risque est donc bien celui de nouveaux confinements ou de durcissement des restrictions sanitaires de quoi perturber l’activité. Difficile dans ce contexte de jouer les premiers rôles dans la reprise mondiale.
Pourtant, jusqu’ici les chiffres donnent raison au Président russe quand il fait valoir que « rien de ce qui ressemble à une catastrophe ne s’est produit ». Les dégâts économiques causés par la crise de la Covid-19 apparaissent, somme toute, relativement modérés avec une activité en baisse de seulement 3% l’année dernière. Un choc réduit par rapport au précédent épisode de crise mondiale de 2009, année durant laquelle le PIB de la Russie avait reculé de 7,8%, mais aussi par rapport aux autres grands pays émergents : seule la Chine a fait mieux en 2020 avec une croissance de 2,1%.
La consommation des ménages, point noir de l’économie russe
Mais cela, c’est avoir l’œil dans le rétroviseur. Outre les conséquences de la résurgence de la pandémie, la Russie affronte un autre vent contraire : celui de l’inflation qui à 6% en mai dernier est à pic depuis octobre 2016 et bien au-delà de la cible officielle de 4%. Ce chiffre est d’autant plus alarmant que c’est l’inflation alimentaire qui est en grande partie la cause. En hausse de 8% environ, les prix de l’alimentation et des boissons non alcoolisées sont à un plus haut depuis janvier 2016. De quoi nourrir la grogne sociale d’autant plus que le revenu des Russes a diminué de 3% l’année dernière, un recul qui s’inscrit plus globalement dans un mouvement général de baisse depuis 6 ans qui a fait perdre près de 10% de pouvoir d’achat aux ménages.
Avec des répercussions en cascades notamment sur la consommation des ménages, véritable point noir de l’économie russe depuis deux ans. Les dépenses des ménages en volume ont chuté de près de 14% entre le 2e trimestre 2019 et la fin 2020. Bien entendu, les autorités multiplient les incitations pour éviter une trop grande dérive de l’inflation : contrôles temporaires de prix sur des denrées clés telles que les pâtes, quotas à l’exportation de céréales afin de se protéger des hausses de prix mondiales. Mais en vain. Surtout, le retour de l’inflation a contraint la banque centrale à relever son taux directeur une première fois en mars dernier et deux autres ont suivi.
D’importantes marges de manœuvre budgétaires grâce au pétrole
Un resserrement de la politique monétaire qui risque d’étouffer la croissance d’une économie encore en convalescence, mais qui bénéficie actuellement de la nouvelle flambée du pétrole. Comme le montrent les évolutions annuelles du PIB en valeurs et du cours du Brent, le lien est très fort entre la croissance du pays et le prix du pétrole. Les données du commerce extérieur sont aussi édifiantes : le pétrole brut (24,5%), les produits du raffinage (15,2%) et le gaz naturel (14,6%) concentrent à eux trois plus de 54% des exportations russes. Le gouvernement dispose d’une importante marge de manœuvre budgétaire pour contenir les effets de la crise. Avant la pandémie, grâce notamment à sa rente énergétique, la Russie bénéficiait de finances publiques solides : excédents budgétaires sur les deux exercices précédents et déficits réduits avant, excepté en 2009, année de crise. Avec à la clé, un taux d’endettement très bas, en dessous de 15% du PIB.
À tout cela il faut ajouter un dernier facteur, les réserves de change, c’est-à-dire les avoirs en devises étrangères et en or détenus par la banque centrale dépassent pour la première fois la barre des 600 milliards de dollars, effaçant son ancien record de 2008 et couvrant plus de deux ans d’importations.
La Russie n’a pas dompté l’épidémie, elle ne sera pas une locomotive de la croissance mondiale, mais dispose de suffisamment de munitions pour se relancer… avant les élections législatives de septembre 2021, c’est probable.
Publié le mercredi 07 juillet 2021 . 4 min. 15
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d'Alexandre Mirlicourtois
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