18 mois après le déclenchement de la crise de la covid-19, qui de la France ou de l’Allemagne s’en sort le mieux ?
Efficacité du coup de pouce budgétaire : égalité
Premier élément à intégrer dans l’équation, l’ampleur de la réponse budgétaire à la crise. La variation du solde public entre 2019 et 2020 permet d’en prendre la mesure, car elle est l’addition des stabilisateurs automatiques (c’est-à-dire l’ensemble des dépenses qui augmentent mécaniquement durant une crise économique comme les allocations chômage), des plans d’urgence et de relance. Le « quoi qu’il en coûte » n’a finalement pas de frontières : le solde public s’est détérioré de façon quasi équivalente des deux côtés du Rhin, respectivement de 6,1 points pour la France et de 5,7 pour l’Allemagne. Si la France semble avoir été un peu plus généreuse, il faut absolument mettre ces chiffres en regard de la violence du choc subi par les deux économies, c’est-à-dire la perte de PIB qui se monte à 8% côté français, contre moins de 5 côté allemand. Toutes choses égales par ailleurs, c’est donc en Allemagne que le coup de pouce budgétaire a été le plus puissant.
Reste à en déterminer l’efficacité. En étant à la conjonction du choc pandémique, des mesures de soutien mais aussi de la réponse sanitaire (mesures de confinement, vaccination, etc.), le niveau d’activité économique donne un 1er élément de comparaison. Par rapport au 4e trimestre 2019, le déficit de croissance à la fin juin était comparable entre les deux économies, soit de -3,2% pour la France contre -3,3% pour l’Allemagne. L’analyse s’affine en prenant non pas comme base de comparaison le trimestre précédent le déferlement de la pandémie, mais le niveau auquel le PIB se serait situé si la dynamique calculée sur les 7 années précédentes s’était maintenue dans les deux pays. Ainsi recalculé, le déficit de croissance de la France s’élève à 5%, contre 5,4% pour l’Allemagne. Les performances sont donc très proches entre les deux économies.
Potentiel d’accélération des économies : avantage à la France
Côté comptes extérieurs, les déséquilibres externes français ont en revanche été plus marqués. Rapportée au PIB, les comptes courants de la France se sont nettement dégradés, conséquences notamment de la forte contraction du secteur touristique et de la mise à l’arrêt de l’industrie lors du premier confinement, alors que ceux de l’Allemagne sont restés amplement excédentaires. Structurellement déficitaire, la balance des services allemande a au contraire bénéficié des restrictions faites aux voyages et compensé ainsi en grande partie la dégradation de la balance des biens liée à la récession mondiale. L’Allemagne prend ici l’avantage.
Reste à déterminer le potentiel d’accélération des deux économies pour les trimestres à venir. La sauvegarde du tissu économique, son état de santé, la préservation des revenus des ménages sont ici des éléments déterminants :
- Côté entreprises, la France se distingue à la fois par une baisse des défaillances depuis la fin 2019 plus de deux fois plus importante qu’en Allemagne (respectivement -48 et -20%), mais plus encore par des créations d’entreprises en hausse alors qu’elles se sont contractées en Allemagne. Quant à l’état de santé des entreprises, il peut être approché à travers 2 indicateurs, l’évolution du taux de marge et celle du taux d’investissement. Corrigé de l’effet du CICE, l’évolution du taux de marge (qui rapporte l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée) des sociétés non-financières a été en 2020 plus favorable en France (-0,2 point) qu’en Allemagne (-0,8). Un classement confirmé au 1er trimestre avec un taux de marge en hausse de 1,5 côté français contre 1,2 côté allemand. Des entreprises françaises plus offensives aussi dont l’effort d’investissement s’est intensifié pendant la crise alors qu’il se relâchait en Allemagne.
- Côté ménages, l’ampleur des dispositifs d’activité partielle des deux côtés du Rhin a permis de contenir l’évolution du chômage et un ajustement trop brutal sur l’emploi quasiment repassé fin juin à son niveau d’avant crise dans les deux pays. L’essentiel des revenus des salariés a de fait été préservé. Complétés par des mesures ponctuelles (aides aux indépendants, réduction du taux de TVA en Allemagne, etc.), les revenus ont macro-économiquement été sauvegardés ; ils ont même légèrement progressé de 0,3% en France en 2020 et le 1er semestre 2021 est venu consolider les gains de pouvoir d’achat. Certes, cette préservation des revenus s’est transformée en France en un surplus d’épargne concentré sur les 25% les plus aisés qui l’ont investi en placements financiers et surtout dans la pierre en achetant des logements dans l’ancien ce qui a fait grimper leur prix de 7% depuis la fin 2019. De ce point de vue, c’est un gâchis d’argent public. Mais cet effet pervers se retrouve aussi en Allemagne avec des prix de l’immobilier en hausse de 10%.
Une fois n’est pas coutume, il semble que ce soit la France qui jusqu’ici ait apporté la meilleure réponse économique face à la crise… Un essai à transformer.
Publié le mardi 07 septembre 2021 . 4 min. 36
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