Acteur encore mineur du commerce international au milieu des années 90, la Chine c’est désormais près de 11% des exportations mondiales de biens et services et un peu plus de 10% des importations, ce qui place l’Empire du milieu au 1er rang des pays exportateurs devant les Etats-Unis et l’Allemagne et à la 2ème place des pays importateurs derrière l’Amérique.
La Chine au centre des chaines de valeur mondiales
Et encore, cette ascension, même fulgurante, de la Chine dans le commerce mondial rend insuffisamment compte de son réel rôle de plaque tournante. La mondialisation a complétement transformé les chaînes de valeur qui dans nombre d’activités ont éclaté tout en devenant plus globales sous l’égide des multinationales. Il s’agit de mieux tirer parti des écarts de coûts de main-d’œuvre, de la disponibilité du capital, de la technologie, de la proximité de nouveaux marchés en fort développement.
Les théories du commerce international ont même parlé de « commerce des tâches » pour évoquer la fragmentation des chaînes valeur entre différentes zones économiques spécialisées sur certains maillons. La Chine est devenue la figure emblématique de cette transformation majeure. La part de la valeur ajoutée chinoise dans la demande finale mondiale de produits manufacturés en donne une bonne illustration. Elle est passée en 10 ans seulement de 9 à près de 25%. Cela place l’économie chinoise largement en tête du classement mondial, loin devant les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne qui complètent le podium.
On comprend mieux ainsi, les craintes des répercussions du coronavirus. La Chine est devenue au fil des années, un maillon central des chaînes de valeur mondiales qui se sont-elles mêmes allongées. C’était loin d’être le cas en 2002-2003 quand le pays avait été frappé par l’épidémie de SRAS. En resserrant cette vision panoramique, l’intégration de la Chine apparaît tout particulièrement élevée : dans le textile-cuir-habillement où la part de la valeur ajoutée du « made in China » dans la demande finale mondiale monte à près de 40%, mais c’est aussi le cas dans la sidérurgie et la métallurgie (plus de 29%), dans le secteur des machines et équipement (28%) jusqu’à encore près de 24% dans la chimie et les produits minéraux non-métalliques qui complètent le top 5.
Coronavirus, une onde de choc économique
En cas de coup dur sur les sites chinois, l’onde de choc sur les chaînes de valeur mondiales dans ces secteurs peut être redoutable et va notamment dépendre de la facilité avec laquelle le client peut substituer un autre fournisseur au producteur chinois. Dans le textile, les volumes sont importants mais la spécificité des produits chinois est faible, les entreprises peuvent donc trouver des alternatives et s’extirper — du moins en partie – de leur sino-dépendance. En revanche, ce n’est pas le cas dans la sidérurgie où la moitié des capacités de production mondiales sont en Chine ou encore dans l'informatique et l’électronique. A l’intérieur même des secteurs, il faut parfois affiner l’analyse.
La Chine prend de l’importance dans la filière chimie-pharmacie mais avec une valeur ajoutée qui représente 16% de la production mondiale elle ne semble pas à ce point incontournable. Oui mais la Chine représente 60% de la production mondiale de paracétamol. C’est aussi 90% de la production de pénicilline et de 50% de l’ibuprofène. C’est un fait : si l’Europe fabrique encore l’essentiel de ces médicaments, elle importe la grande majorité de ses ingrédients en provenance de Chine. Dans l’automobile, les positions ont également fortement bougé. La Chine c’est près de 20% de la valeur ajoutée de la demande mondiale finale. Mais en dominant totalement l’industrie des batteries, la Chine est surtout devenue une pièce incontournable dans les véhicules électriques. En outre, nombre de constructeurs et d’équipementiers occidentaux et japonais se sont directement installés en Chine. Or, quand le fournisseur est une filiale du même groupe que le client, cela restreint énormément les possibilités de substitution.
Il y a 10 ans la Chine était, excepté dans le textile-habillement-cuir, à la périphérie des principales chaînes de valeur mondiales Aujourd’hui, elle est au centre du jeu. C’est bien pourquoi — outre l’urgence sanitaire — venir à bout de l’épidémie du coronavirus est aussi une urgence économique.
Publié le vendredi 21 février 2020 . 4 min. 31
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