Le marché automobile français coince. Il ne faut pas se laisser abuser par les variations sur un an des immatriculations car elles créent une illusion de reprise. Il faut passer à un niveau supérieur, prendre un peu de hauteur, élargir le champ temporel pour se rendre compte que le compte n’y est pas : adieu les 2 millions de voitures mises en circulation par an, le volume reste inférieur d'environ 20% à celui d’avant la crise sanitaire.
Tendance à la baisse et curiosités statistiques
Surtout, les derniers chiffres mensuels montrent un repli depuis la fin de l’été. Exit donc l’effet rattrapage des importants retards pris dans les livraisons en raison des problèmes de production. Les statistiques des mises en circulation sont en outre gonflées. La fin d’année arrivant, elles deviennent un enjeu stratégique pour les constructeurs et une bizarrerie statistique pour les analystes ! En octobre et en novembre dernier, 21% du marché s’est fait sur les 2 derniers jours du mois avec un coup d’accélérateur majeur en provenance de Stellantis. À lui seul, le groupe (qui rassemble Peugeot, Citroën, Fiat, Opel et autres) a réalisé 60% des immatriculations totales de la dernière journée d’octobre et 50% de celles de novembre. Certains parleront de curiosités liées à des problèmes logistiques, d'autres dénonceront des ventes tactiques.
C’est monnaie courante à l’approche des bilans annuels. Les loueurs de courtes durées et les concessionnaires sont incités à renouveler ou accroître leurs parcs de véhicules. Un moyen simple pour les constructeurs d’écouler leur production et maintenir une part de marché acceptable. En plus d'être manipulables, les immatriculations souffrent aussi d’être en décalage avec le marché. Elles sont le résultat des livraisons de commandes passées, pas le reflet instantané de la dynamique de la demande.
Dilemmes et incertitudes pour les consommateurs
Le suivi des commandes complète l’analyse et révèle une réalité plus inquiétante : elles auront chuté d’au moins 10% en 2023 par rapport à 2022, soit l’équivalent de près de 200 000 unités. Cela laisse présager un premier semestre 2024 très laborieux. Surtout, difficile d’entrevoir une amélioration à court terme.
Il y a d’abord, le brouillard dans lequel sont plongés les automobilistes quant au choix du type de propulsion pour leur futur véhicule : réglementation en perpétuels changements en matière de motorisations comme de circulation, opacité des prix d’achat dues aux variations incessantes des bonus-malus, incertitudes sur les coûts d‘entretien et des tarifs des énergies dans le futur. La confusion règne et décourage les potentiels acheteurs.
Cet attentisme est ensuite exacerbé par un contexte économique et financier totalement défavorable. L’impact de l’inflation est double. Pour les ménages les moins favorisés, c’est une ponction directe sur leur pouvoir d’achat, une réduction de leur capacité à consommer. Pour les catégories plus aisées, où se concentrent une grande part des acheteurs de véhicules neufs, c’est la mise en place de stratégies défensives actives visant à préserver la valeur de leur épargne. Quoi qu’il en soit, l’heure n’est pas aux achats engageants et seule une minorité de Français envisage d’acheter une voiture dans les 12 prochains mois.
La remontée des taux d'intérêt et ses conséquences
À cet environnement déjà compliqué, s’ajoute l’effet de la remontée des taux d’intérêt. Il est perceptible dans la baisse des crédits à la consommation affectés aux achats de véhicules neufs et dans la décélération des opérations de LOA dont le rythme de progression a été divisé par deux entre le 1er et le 3ème trimestre. La baisse des taux qui avait permis d’absorber et de camoufler la hausse des prix des voitures ne joue plus. Difficile, l’environnement de la demande ne s’améliorera pas en 2024 voire se détériorera plus encore avec la dégradation annoncée du marché du travail.
Le seul coin de ciel bleu viendra de l’offre avec l’arrivée massive de nouveautés pour les marques françaises, surtout chez Renault (Duster III, Rafale, Grand Captur, R5) mais aussi des 5008 et Citroën C3 côté Stellantis. De quoi susciter l’envie. Cela ne sera pas suffisant pour contrebalancer les forces récessives, mais assez pour faire passer le marché du noir au gris.
Publié le jeudi 14 décembre 2023 . 4 min. 12
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