C’est une ritournelle bien connue : les Français travaillent beaucoup moins en moyenne que leurs voisins européens. Une affirmation qui part généralement du chiffre de la durée du temps de travail hebdomadaire d’un salarié à temps plein. Il atteint à peine plus de 39 heures pour un Français, ce qui le place en queue de peloton avec les Italiens, les Néerlandais, les Norvégiens et les Danois. À l’autre bout de l’échiquier : Britanniques, Suisses, Autrichiens, Portugais, Polonais, Grecs et Allemands travaillent eux plus de 40 heures par semaine, si bien que le temps passé par un Français dans son entreprise est 3% inférieur environ à celui d’un Allemand et 7% à celui d’un Britannique. C’est implacable, mais c’est faux.
En Allemagne, les 35 heures sont une réalité plus tangible qu’en France
Se limiter au temps de travail hebdomadaire d’un salarié à temps plein pour effectuer des comparaisons internationales est trop réducteur, car il fait l’impasse sur deux facteurs essentiels :
1. Le premier, c’est la place prise par le temps partiel à la fois à travers le nombre de personnes concernées et le volume horaire de travail hebdomadaire réalisé par ces travailleurs. Avec 17,5% de salariés à temps partiel, la France se situe en dessous de la moyenne européenne et surtout très loin des champions en la matière : les Pays-Bas. Des emplois partiels très développés aussi en Suisse, en Allemagne et au Royaume-Uni. Et si le temps partiel est si développé chez les Néerlandais, c’est qu’il est quasiment généralisé à toutes les femmes : plus des trois quarts sont concernées, contre moins de 30% en France qui se situe une fois de plus sous la moyenne européenne et très loin des niveaux atteints en Suisse ou en Allemagne. Et il faut encore comparer le nombre d’heures hebdomadaires moyen réalisé par ces salariés : avec 23,5 heures, un salarié français à temps partiel travaille ainsi beaucoup plus que la moyenne de ses collègues européens, 17% de plus environ qu’un Britannique et 19% de plus qu’un Allemand.
2. Second angle mort de l’analyse, le temps de travail des indépendants. Un temps de travail plus lourd, spécialement en France. Sur 30 pays européens étudiés, les indépendants Français se placent dans le top 10 des plus travailleurs en pointant à la 9e place avec 42 heures hebdomadaires. C’est plus que les Italiens, que les Autrichiens, beaucoup plus que les Britanniques (qui se situent à la 24e place), que les Allemands (28e), mais aussi des Néerlandais et des Suisses qui ferment la marche. En élargissant le champ des chiffres du temps de travail hebdomadaire des salariés à temps plein avec ceux à temps partiel et celui des indépendants, la photo change : avec 36,3 heures, la France se situe à la moyenne européenne, à des niveaux proches de ceux de ces plus proches voisins comme l’Espagne ou le Royaume-Uni et surtout beaucoup plus élevés que la majorité des pays du Nord pourtant souvent considérés comme les plus laborieux. C’est le cas notamment des Allemands où visiblement les 35 heures sont une réalité plus tangible qu’en France.
Le problème en France, c’est le taux d’emploi
Le temps de travail hebdomadaire ne résume néanmoins pas toute l’information sur la durée du travail. Afin de l’évaluer au mieux pour chaque pays, les données les plus appropriées semblent être à l’échelle de l’année. Cela permet de tenir compte des durées légales et conventionnelles quotidiennes et hebdomadaires, mais aussi d’inclure les congés payés, les jours fériés, les RTT, etc. Ainsi calculé, un actif occupé travaille en moyenne en France 1 511 heures par an, c’est moins que la moyenne des pays de l’OCDE, mais toujours plus que la majorité des pays du Nord, notamment des Pays-Bas ou de l’Allemagne.
Encore faudrait-il redresser ces chiffres de la productivité. Les travailleurs français (qu’ils soient salariés ou indépendants) feraient partie des plus productifs d’Europe à plus de 17 points au-dessus de la moyenne européenne. La France se situe notamment devant l’Allemagne et le Royaume-Uni. Les travailleurs français seraient ainsi 18% plus efficaces que les travailleurs britanniques. Ce niveau de productivité horaire élevé des Français laisse suspecter néanmoins qu’ils travaillent sûrement un peu plus qu’ils ne le déclarent dans les enquêtes.
Le principal problème n’est pas tant le volume horaire hebdomadaire ou annuel, mais le faible nombre d’années travaillées qui dépend notamment de la capacité du marché du travail à intégrer les juniors et les seniors : comme le dévoile le taux d’emploi des plus jeunes Français (c’est-à-dire les 15-24 ans) et des plus anciens (les 55-64 ans) qui est inférieur à la moyenne des pays de l’OCDE et plus encore vis-à-vis de l’Allemagne.
Alors non, les travailleurs français après avoir intégré le monde de l’entreprise ne travaillent pas moins que leurs voisins. Surtout, ils travaillent plus que les Allemands, les Néerlandais et majoritairement des pays du Nord de l’Europe à rebours des idées préconçues.
Publié le mardi 16 novembre 2021 . 4 min. 27
Les dernières vidéos
Emplois, travail, salaires
? Gilles Rotillon 31/05/2024
Les dernières vidéos
d'Alexandre Mirlicourtois
LES + RÉCENTES
LES INCONTOURNABLES